50 ans de James Bond. Autant dire que comparer Skyfall avec Dr. No relève du parcours de croix tellement le chemin est énorme. La saga s'est toujours imprégné des tendances du moment, de ce qui l'entoure, des choses qui marchent pour amener la série dans une mouvance qui fonctionne et qui parle au spectateur du moment. C'est aussi pour ça que la plupart des films James Bond ne vieillissent pas toujours bien (surtout les Roger Moore, beaucoup trop tourné vers la comédie). Skyfall est le troisième opus du sieur Daniel Craig. Après un Casino Royale qui porte bien son nom et un Quantum of Solace qui est beaucoup plus détestable, j'attendais plus ou moins bien ce cru "Mendes", qui a quand même un sacré bagage, avec son American Beauty ou Les Sentiers de la Perdition. Ce Skyfall, après les déboires de la MGM, devait relever le blason de la saga. On peut dire que c'est chose faite, et de bien belle manière.
Le film marquera probablement la saga parce qu'elle amène un certain nombre de choses importantes dans la mythologie de la franchise, et c'est d'ailleurs sa principale force: réussir à utiliser les codes, en détruire certains pour les reconstruire, mais sans chercher à inscrire le film comme une simple continuité de la saga, mais bien comme un film à part entière. Sam Mendès a vraiment fait le film qu'il voulait, et beaucoup le compare à Dark Knight. On ne peut pas nier qu'il rentre dans une catégorie similaire, mais ce Skyfall rentre malgré tout dans les James Bond, si on considère que les James Bond ne sont finalement qu'une successions de codes et de ressemblances qui leur permet de se dissocier des autres films d'espionnage: une séquence d'action pré-générique, un générique visuel avec sa chanson, des James Bond Girls, deux-trois gadgets, le "Bond. James Bond" et une voiture. Certes, ces codes sont là avec plus ou moins d'importance, mais ils sont là. Après, ce que Sam Mendès fait autour, ça le regarde et ça permet de faire le James Bond qu'il a envie. Dire que Skyfall n'est pas un Bond parce qu'il va plus loin dans la complexité de ses personnages, de son histoire ou de ses thèmes est quand même réducteur de la saga, même si elle n'est pas souvent allé plus que le divertissement. Ici, on a simplement un réalisateur qui propose SA vision de James Bond.
On a donc James qui se fait abattre et laissé pour mort par le MI-6, alors qu'un terroriste fait péter le bâtiment des services secrets avec dans sa manche une liste d'agents sous couverture qu'il menace de dévoiler. Je n'en dis pas plus, le scénario révèle quelques surprises, notamment sur la fameuse signification de ce "Skyfall", mais pour la première fois dans la saga, l'histoire met en avant ses personnages, notamment Bond, M et le méchant Silva, joué par Javier Bardem et qui est juste exceptionnel. La confrontation entre James et le méchant est réellement palpable et ne se résume pas juste à sauver l'Angleterre, mais parvient à arriver à quelque chose de plus personnel. On explore beaucoup cette dualité entre le devoir d'un agent envers son pays et ce qu'il doit sacrifier, couplée avec la maternité de M, déja bien présente dans les précédents films mais utilisé ici avec justesse. Daniel Craig confirmera les fans et les détracteurs, toujours excellent dans cet agent bestial, qui n'est autre qu'un soldat au service de sa nation (finalement plus proche des romans). On prend un réel plaisir à suivre l'histoire, où Bond ne passe pas les scènes d'action à exploser des bases militaires, mais prend le temps de poser son action et ses courses-poursuites avec une maestria d'enfer. A ce sujet, toute la séquence pré-générique est excellente de bout en bout. Le générique aussi, d'ailleurs, renouant avec une certaine classe dans le pure visuel de la saga.
Visuellement, d'ailleurs, c'est absolument superbe. Roger Deakins, directeur de la photo attitré de Mendès, s'est clairement fait plaisir et le film est un bonheur pour la rétine. En témoigne toute la séquence dans l'immeuble au néons en Chine, époustouflante de bout en bout, jouant sur le découpage des personnages et les contre-jours avec une classe indéniable. Ou encore les landes écossaises éclairées par des flammes dans une couleur chaude plongée dans l'obscurité. Très clairement, on sent toute la beauté plastique du film et ce Skyfall vaut déja le coup rien que pour ça. Les personnages sont mis en valeur avec un jeu de lumières magnifique, et ça ne fait qu'apporter du poids aux personnalité des personnages. Aussi parce que Sam Mendès arrive à trouver le cadre qui claque, et mettre en valeur le travail de Deakins. Les scènes de poursuites sont aussi excellentes, et on découvre avec bonheur le peu d'utilisation d'images de synthèse dans les effets spéciaux, ce qui rend les scènes spectaculaires vraiment spectaculaires.
Bref, ce Skyfall dépasse mes attentes. En plus d'avoir un film impressionnant visuellement, ce Bond se targue de posséder un scénario qui en jette et qui va plus loin que les autres en se servant de tout ce que la saga a mis en place pour raconter et laisser s'exprimer les personnages avec leurs phrases et non avec leurs flingues. Et ils en avaient, des choses à dire. Une réussite complète.