C'est bien, les distributeurs commencent à sortir les films au ciné en outre-mer, ça évitera l'embouteillage à la reprise et ça nous permet de voir ce film, que je n'aurais sans doute jamais vu autrement.
Slalom a une qualité qui permet d'effacer tous ses menus défauts : il est trouble... L'histoire qui est racontée est ainsi assez malsaine avec une ado qui vit seule, qui fait tout pour être championne de ski et qui doit gérer son corps, ses premiers amours, ses amis, sa mère, son coach et à part le ski... Il n'y a rien qui va.
L'héroïne c'est donc une ado plongée dans le monde des grands et qui doit gérer toutes les conneries des adultes autour d'elle... et si sa mère absente c'est déjà une assez grosse connerie, la plus grosse reste son entraîneur. Et c'est là qu'éclate tout le talent d'acteur de Jérémie Renier (que j'adore). Il arrive à être dans l'ambigüité, à faire en sorte que son personnage ne soit pas immédiatement détestable alors que dans le fond il a tout pour l'être et même si ça n'a pas grand chose à voir ça m'a fait un peu penser à Clint Eastwood dans Les Proies.
On sent dès le début quelque chose de dérangeant, le gars fait venir l'ado dans son bureau, la fait se déshabiller pour qu'elle se pèse, mesure sa graisse... Il n'y a pas réellement de geste déplacé, mais l'ambiance, l'éclairage, fait qu'on sent bien que tout ça n'est pas anodin, qu'il y a un truc louche, tout ça est froid, sans complicité entre les personnages... Et en même temps on voit que l'héroïne semble un peu fantasmer sur son entraîneur, elle joue les voyeuses en le regardant nu sous la douche.
Ce côté un peu glauque est contrebalancé avec des moments où le personnage de Renier semble réellement l'aider à progresser, où il se réjouit vraiment des victoires de sa protégée... On d'ailleurs de très belles séquences de descentes en ski qui arrivent à être envoûtantes, notamment grâce à la musique (dont l'utilisation est un des points fort du film, parce la réalisatrice sait quand la couper pour qu'elle n'empiète pas sur l'émotion) tout en étant quand même dynamiques et prenantes.
Et donc les personnages ne sont pas unilatéraux... C'est pareil pour la copine de l'héroïne, on sent qu'elle est jalouse, mais elle offre sans doute la plus belle séquence du film tout à la fin. Et tout ça permet justement de jeter le trouble et de mettre le spectateur mal à l'aise.
Le défaut du film vient à mon avis du personnage principal qui lorsqu'il finit (logiquement) par se renfermer à cause de tout ce qui lui arrive donne quelque chose de déjà vu et de moins original finalement que tout le reste du film qui arrive à ne pas rester dans les sentiers battus. J'ai eu l'impression de voir un passage obligé moins intéressant que tout le reste...
En tous cas ça n'entache de rien la prestation admirable de Noée Abita (qui est bien plus âgée que son rôle) qui fait parfaitement l'ado obligée de mûrir trop vite à cause de la vie... et malgré son âge réel, elle a vraiment l'air d'avoir 15 ans ce qui rend vraiment certaines scènes encore plus gênantes...
Et puis il faut que la réalisatrice en faisant épouser au film le point de vue de son héroïne lui permet vraiment de briller. Elle est sur tous les plans et ça permet de comprendre son trouble à elle, ses sentiments et d'être empathique pour elle. Le tout sans que ça ne soit jamais explicité de manière lourdingue... C'est une ado, elle réagit comme un ado...
Pour un premier long métrage, ça donne envie de voir la suite.