Pour son premier long-métrage, Charlène Favier n'a pas choisi la facilité. Déjà par un tournage en pleine montagne, avec compétitions sportives à la clé. Mais surtout en abordant un sujet difficile que sont les agressions sexuelles et le harcèlement dans le milieu sportif. Un aspect qu'elle ne connaît que trop bien, puisqu'elle-même à été victime de ce type de faits dans sa jeunesse. Slalom apparaît donc de ses propres mots comme une thérapie et elle a logiquement pris pour héroïne une adolescente.
Contrairement à un Whiplash (Damien Chazelle, 2014) dans un tout autre milieu qui était beaucoup trop ambigu pour être honnête, Slalom ne l'est jamais. Il montre les faits de manière évidente, ne laisse pas d'interprétation invraisemblable de type "il a raison de la pousser à fond si ça mène à la réussite" (argument souvent donné pour défendre le point de vue du film de Chazelle) et surtout dans le cas de Slalom se rajoutent les agressions sexuelles.
Certains ont parlé d'ambiguïté surement à cause de la seconde scène d'agression. Pourtant, ce que l'on voit à l'écran est assez clair. On voit une jeune fille (Noée Abita) semblant au départ excitée par la situation, avant de comprendre que quelque chose ne va absolument pas et de finir tétanisée, tremblante et avec un corps marqué. La scène dans la voiture est encore plus glaçante, impressionnant de par sa violence et sa crudité. Elles font penser à la "scène phare" d'Irréversible (Gaspar Noé, 2002) et là aussi il est très difficile de ne pas avoir de l'empathie pour l'héroïne, ce qu'elle traverse, de ne pas regarder ailleurs et au final d'être bouleversé.
Petit à petit, l'héroïne comprend ce qui lui arrive et la phase d'autodestruction devient effrayante. Car à ce moment du film , elle habite sous le même toit que son agresseur, renforçant la toxicité de la situation. L'entraîneur joué par Jérémie Rénier est un prédateur qui bouillonne de l'intérieur et quand il explose, il devient une boule de fureur dans ce qu'il y a de plus dégueulasse. Car ce qu'il est important de dire est que Rénier campe un personnage vraiment double. Il peut être dur mais professionnel lors des passages sportifs, entreprenant pour ce qui est de l'avenir de ses skieurs et puis une véritable bête. Le plus horrible est que ce dernier aspect peut arriver dans des moments purement insolites, avant qu'il ne reprenne ses esprits comme si de rien était. Ainsi, lorsque Lyz lui montre ses seins couverts de bleus, il ne lui saute pas dessus mais s'avère dégoûté, comme si ce n'était pas "le moment".
Outre cela, le film parle également de l'isolement, avec une héroïne face à son agresseur comme professeur et entraîneur, mais aussi face à l'absence de ses parents divorcés. Le père est invisible de tout le film, la mère (Muriel Combeau) fait des allers retours vite faits. A cela rajoutez la mise en concurrence avec les autres, Lyz devenant évidemment la chouchoute. La victoire n'en devient que plus amère et la conclusion du film sera sans appel et parfaitement logique, voire même incroyablement directe.
La réalisatrice peut compter sur un excellent casting, que ce soit Rénier, Noée Abita ou Maïra Schmitt (certes plus âgées que leurs rôles, mais au vue du sujet, ce choix paraît évident). Favier signe également des scènes sportives entraînantes et très bien filmées, puisque toujours lisibles tout en étant proches de Lyz lors des descentes. On ressent toute la rapidité des épreuves et le côté éphémère de la performance (il s'agit d'un parcours de quelques secondes). Un très bon premier long, film d'horreur à sa manière sur un sujet pas encore assez évoqué.