Il aura fallu du temps pour que Slalom finisse par pouvoir sortir en salles. Après des reports successifs liés à la fermeture des salles fin 2020, le voici qui entre dans l’arène, permettant à Charlène Favier de présenter son premier long-métrage au public, non sans faire son petit effet.
L’adolescence est une période difficile, surtout lorsque l’on doit concilier études et sport, à l’instar de Lyz, personnage principal de Slalom. Sa spécialité, c’est le ski, qu’elle maîtrise avec un talent impressionnant, et qui lui offre de véritables perspectives de succès. Assez timide et réservée, elle est d’abord présentée comme une jeune fille un peu effacée vis-à-vis de ses camarades. A côté, elle est prise sous l’aile d’un entraîneur aux airs parfois bienveillants, mais aussi capable de se montrer tyrannique et impitoyable pour pousser ses élèves à la réussite. Peu à peu, les apparences vont vaciller et laisser place à une réalité bien plus crue et cruelle.
L’un des premiers éléments mis en lumière dans Slalom, c’est le rapport à l’ambition, celle de Lyz, qui cherche la victoire mais, surtout, à contenter son entraîneur. Car c’est lui, en effet, qui va incarner ce désir de réussite, lui qui encourage son élève, mais dont la bienveillance, lorsqu’elle s’exprime, cache aussi des désirs bien plus flous et pervers. Le temps se fige, les regards se croisent, mais une ambigüité permanente règne, pour que le spectateur doute toujours des réelles intentions des personnages. L’ambivalence règne dans Slalom, confrontant rêves et réalité, montrant les influences agissant sur l’adolescente, dans un climat de tension permanente, allant crescendo, où chaque pulsion se libère d’une manière toujours plus violente.
Le parcours de Lyz est celui de l’adolescence dans le monde des adultes. Vivre avec un père absent, tout comme sa mère qui ne s’occupe pas d’elle, mais aussi rencontrer et côtoyer un entraîneur dominant et tyrannique, imposant son emprise sur ceux qui ne lui résistent pas. Tout ce qui la fait approcher de la vie adulte est néfaste et violent, et la mise en scène renforce ce côté malsain, où les rapports entre Lyz et les adultes sont toujours plein de sous-entendus. La cinéaste entretient cet isolement et cette focalisation sur elle en l’intégrant le plus souvent possible dans le cadre, et souvent de très près, retranscrivant ce sentiment d’oppression qui habite la jeune fille. Ici, il n’y aura nulle solution ni échappatoire.
Fantasmes et espoirs mènent ainsi à une relation toxique qui fait perdre la raison à tous, où à la confiance de l’une répondent les pulsions dominatrices de l’autre. Slalom illustre parfaitement ces rapports de force, cette emprise que peuvent avoir des individus sur d’autres, notamment dans ce genre de situations, et toute cette vision d’un monde d’adultes souvent très cynique, violent et brutal. Noée Abita se révèle et, malgré son âge bien supérieur à celui de son héroïne, s’avère très convaincante dans ce rôle, tout comme Jérémie Renier, impeccable dans ce rôle complexe aux multiples facettes. Slalom garantit une descente à toute allure dans les bas instincts de la nature humaine, un périple glaçant.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art