(DU COMPTE DE TRASHDISTANCE, JE N'AI PLUS MES ACCES)


La Belle au bois dormant n'a qu'à bien se tenir. Le premier film de l'australienne Julia Leigh, Sleeping Beauty, ne manque pas d'audace. Il raconte l'histoire de Mélissa, une jeune demoiselle semblable à de nombreux étudiants du XIème siècle. Démunis et sans avenir stable, ils errent au milieu d'adultes sanguinaires. Ils ne vivent plus, mais survivent. Multiplication de petits jobs. Un rythme difficile à suivre. « Difficile à suivre » ; ce groupe nominal pourrait aussi qualifier le ressenti éprouvé par les spectateurs sortant de la salle. Le vide prône, une ambiance morbide règne. Certaines n'osent pas se lever de leur chaise, alors que d'autres referment déjà la porte de la pièce derrière eux. Des réactions diamétralement opposées, nous sommes surpris, voire dubitatifs.


Les scènes – trop courtes - nous montrant le quotidien monotone de Melissa ne surprennent pas. Elle est serveuse un jour, imprime et relie des documents un autre jour. Dès le début du film, la nonchalance du personnage principal se remarque. Melissa semble farouche, capable de tout pour pouvoir payer son loyer.


Les journées du protagoniste sont lentes, tout comme l'avancée de l'intrigue quasi inexistante. Le public n'est pas transporté, le film joue le rôle d'une drogue, qui est elle-même définie comme étant « l'aspirine de l'âme » Le spectateur ne comprend pas le pourquoi du comment, et reste perturbé du début à la fin. Une question reste sans réponse : Pourquoi n'y a-t-il aucune bande son ? La réalisatrice répond : « L'histoire repose sur le fait d'être observé ». Il fallait que le spectateur se sente oppressé.


L'apparition de Sara, (il s'agit de Melissa, qui a changé de prénom après avoir été acceptée au sein d'un réseau de prostitution bien mystique), marque un tournant dans l'avancement du film. Engrainée dans un système vicieux, Sara doit se plier aux règles strictes de la maison. Il ne s'agit seulement plus que de « nettoyer les joints de la salle de bain ». Les gros plans répétitifs – et les scènes nous rappelant qu'elle travaille encore en tant que serveuse (bien qu'inutiles) expriment un besoin de repos de la part de Sara. Elle veut être sereine, mais n'arrive pas à trouver la paix intérieure. Dormir semble être la seule alternative possible.


La relation qu'elle entretient avec Birdman est ironique, mais sincère. « Comment allez-vous ? Très bien, et vous ? Et votre famille ? Elle se porte magnifiquement bien. » Nous aurions cependant aimé en savoir davantage sur sa personne, son passé de toxicomane. Il est la passerelle humaine entre la normalité, et le monde si particulier dans lequel Sara évolue à présent.


« Les vraies belles choses sont sans surprises. » Ce qui concerne le corps de la jeune fille est également valable pour la photographie, que nous ne pouvons que féliciter. Les couleurs épurées s'harmonisent gracieusement avec le teint porcelaine d'Emily Browning, qui interprète son personnage avec brio. Nous applaudirons par ailleurs le travail d'Emily Browning et son absence totale de pudeur (elle acceptera ainsi de se faire toucher, de se déshabiller, de porter des dessous extravagants, de se faire lécher par des sexagénaires nus, de se faire porter et trainer par terre). Son allure je-m'en-foutiste fait sourire, et contraste avec une fin ambigüe.


Lassée, Sara enchaîne les clients, qui se montrent parfois très obscènes (en particulier le second, plus virulents que les deux autres hommes). L'interdiction aux moins de seize ans est justifiée, puisque le film nous montre des scènes troublantes. L'absence d'un fil conducteur, d'une intrigue solide et explicite peut irriter le public, qui voit sa compréhension du film limitée dû à un manque d'informations sur l'avancement du scénario. Mais a-t-on réellement besoin de tout comprendre ?


Sleeping Beauty nous prouve qu'une réponse négative peut être envisagée. Léger et brutal à la fois, il invite le spectateur à se remettre en question, à se demander si toutes choses méritent explication.

pipissenlit
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le 20 déc. 2021

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