Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant le spectateur dans une pénombre glaciale, reflet de sa météo et des blessures d’un passé enfoui.

Cillian Murphy, spectre du silence, porte dans son regard une gravité si dense qu’elle semble contenir tous les traumatismes de son passé. Son personnage mutique, muré dans une douleur inscrite dans chaque pli de son visage, érige une barrière de révolte sourde face à l’aveuglement collectif des témoins des horreurs des Magdalene Sisters.

Toutefois, ce poids émotionnel, aussi imposant que déchirant, s’impose parfois au détriment du récit, risquant de basculer dans une posture de rédempteur solitaire. Cette focalisation excessive détourne l’attention des véritables blessures : celles des voix meurtries et réduites au silence.

En d'autres mots, le film trébuche là où il voulait s’élever. Si le mutisme de son héros illustre cette indifférence collective, le récit semble ignorer ceux qui ont réellement subi l’indicible. Les victimes, reléguées au second plan, ne trouvent pas ici le mémorial qu’elles méritent. Le film manque l’opportunité d’explorer l’intimité de ces existences brisées, préférant les contours larges d’une fresque sociale au scalpel d’une étude de caractère.

Ainsi, l’intensité de cette performance, aussi magistrale soit-elle, menace d’éclipser l’essence même de cette tragédie collective.

Mielants dessine pourtant avec finesse un tableau sombre de l’hégémonie ecclésiastique, où l’Église, tentaculaire, étend son emprise sur les richesses, l’éducation, et l’emploi, asservissant des vies entières sous le poids d’une morale dévoyée. Cette critique systémique reste sous-jacente, un murmure persistant.

Dans son ambition, cette œuvre éveille un malaise légitime, mais peine à transcender ses intentions. Mais dans tous les cas, la dénonciation de ses injustices historiques méritaient d’être portée à l’écran !

cadreum
7
Écrit par

Créée

il y a 3 jours

Critique lue 14 fois

cadreum

Écrit par

Critique lue 14 fois

Du même critique

The Substance
cadreum
9

Consommation de son reflet

Soumise à l’inexorable fuite du temps et aux regards masculins implacables, Elisabeth s’effondre sous le poids d’une beauté marchandisée. Dans The Substance, elle s’abandonne à un fluide malléable,...

le 31 oct. 2024

11 j'aime

La Plus Précieuse des marchandises
cadreum
9

Des ombres qui brillent

Grumberg choisit la fable et Hazanavicius l'animation pour aborder la dés.humanisation, et ainsi transcender les limites de sa représentation. La simplicité apparente de la forme, qu’il s’agisse de...

le 1 oct. 2024

11 j'aime

1

Megalopolis
cadreum
8

Une envie de le défendre

Megalopolis s’affirme en opéra visuel exubérant, une œuvre où la démesure et la mégalomanie règnent en maître. À travers ce film, Coppola libère un foisonnement baroque de kitsch romano-futuriste, où...

le 13 nov. 2024

9 j'aime