Partant d’un pitch alléchant, le cinéaste belge plombe son film à force d’effets appuyés, d’une psychologie lourdingue et d’un récit à la lenteur infinie. Il faut dire que l’interprétation de Cillian Murphy, lequel confond impassibilité et inexpressivité, n’aide pas.
En Irlande, à Noël 1985, Bill Furlong, marchand de charbon et père de cinq enfants, découvre une adolescente enceinte enfermée dans un hangar glacé d’un couvent. Confronté à la pression des religieuses et des habitants de la ville, il doit choisir entre préserver sa famille ou agir pour sauver la jeune fille.
L’idée de départ est très bonne. L’homme modeste, que tout le monde estime mais qui n’est pas grand-chose, témoin d’un scandale, qui plus est, quand il implique une communauté religieuse puissante. Le schéma du témoin est le point de départ d’une réflexion éthique intéressante : parler ou ne rien dire. Un schéma d’autant plus fort ici qu’il s’applique à l’homme ordinaire, dont le seul enjeu est le bien-être familial.
Et pourtant, en sortant du cinéma, je me suis mis à rêver de l’autre point de vue. C’est-à-dire celui à l’intérieur du couvent. Celles des jeunes filles enfermées ou peut-être plutôt celui des religieuses bourreaux. Pendant tout le film, j’ai eu l’impression de voir ce couvent en regardant à travers le trou de la serrure. Car j’ai le sentiment qu’on a voulu me dévoiler un scandale mais qu’au fond, on m’en a dit très peu. Qu’est-ce qui animait ces religieuses ? Que dit cette institution religieuse et ce scandale de la société irlandaise des années 80. Le film n’y répondra jamais.
Hélas, le cinéaste flamand a pris la gravité de son histoire au pied de la lettre. Comme son scénario est très sombre, l’éclairage de l’image se doit de l’être tout autant. La plupart du film se déroule la nuit, le couvent est sombre. On ne voit hélas pas grand-chose tant le film est éclairé avec les pieds. Le cinéaste espère sans doute créer une atmosphère anxiogène et pesante. Malheureusement, tout est si appuyé que ça en devient totalement factice.
Cette artificialité est d’autant plus vraie que le film s’alourdit de flashbacks et d’une explication lourdement psychologique qui justifierait le comportement du héros. Comme si tout venait forcément de l’enfance et d’un traumatisme. Ces retours en arrière, très fabriqués et très faux, semblent cousus de fil blanc et apparaissent comme une tentative désespérée du scénariste Enda Walsh pour remplir son scénario. Bêtement imbriqués dans l’histoire principale, ces scènes viennent péniblement interrompre l’action en plus de l’appauvrir d’un point de vue psychologique.
Ce qui finit d’achever le film, c’est cet acteur Cillian Murphy que j’ai trouvé vraiment épouvantable. Il regarde ce qu’il voit autour de lui avec ces yeux de merlan. Il a certes de beaux yeux, bleus comme la mer Méditerranée. Mais l’acteur n’exprime rien, devrait jouer l’impassibilité mais est d’une inexpressivité rasoir. Dans le rôle de la mère supérieure, l’actrice Emily Watson était parfaite pour ce rôle. Avec son visage, elle avait tout pour exprimer l’aspect diabolique caché derrière celui, plus reluisant, de religieuse. Mais, elle aussi n’est pas très bonne. Elle force un peu le trait.
Finalement, ce film se perd dans une accumulation de lourdeurs et de maladresses qui viennent étouffer l'intérêt de son sujet. Alors que la tension morale et éthique aurait dû être le cœur du récit, c'est la lourdeur et la psychologie forcée qui dominent. L'intensité du sujet méritait un traitement plus subtil, et non une surcharge de flashbacks et de psychologie forcée qui dénature la tension morale.