Bon film. Ouais.

Mais il me laisse une impression étrange, comme si j'étais passé à côté de quelque chose. Après la première moitié du film, je pensais avoir compris le but du réalisateur : interroger le rôle du père dans la famille moderne, remettre en question son rôle de patriarche, etc. Somme toute une démarche assez classique (dans une perspective féministe) mais qui demeure intéressante. Mais voilà que tout le reste du film vient bouleverser ces certitudes, et je ne sais plus vraiment comment l'interpréter.

Comment penser cette fin, qui fait explicitement la part belle le père, dont on a l'impression qu'il retrouve son rôle de chef de famille en prouvant sa bravoure – il redevient un homme, un vrai. C'est ce qui permet à une famille au bord de l'éclosion de retrouver une cohésion, ce qui en fait donc indubitablement une « happy end ».
Comment interpréter l'inversion des rôles, lorsque la mère montre une fragilité émotionnelle lors du trajet en autocar qui doit les faire quitter les Alpes. Le contexte est différent de l'avalanche et la fuite du père, mais le cinéaste prend soin de nous montrer qu'elle quitte le véhicule la première, sans ses enfants.
Enfin, quel sens donner à cette scène, dont je ne sais pas vraiment s'il faut la prendre littéralement ou comme une métaphore, où Tomas se retrouve embarque dans une soirée en compagnie de tous ces autres hommes.

Toutes ces interrogations me font me questionner sur le sens que le réalisateur voulait donner à son film.
On pourrait voir l'épisode de l'autocar comme la confirmation de la théorie du barbu : face à une situation dangereuse, chaque individu peut être pris de panique et ne plus contrôler ses faits et gestes. Ce quelque soit leur sexe. Le réalisateur adopterait alors une position égalitariste pour décrire les genres. Certes, mais là où la fuite du père faisait voler en éclat la cohésion de la famille, celle de la mère ne semble que les ressouder.
Et s'il fallait y voir une œuvre masculiniste, une critique acerbe de l'homme moderne, lâche et incapable de s'occuper des siens, voire homosexuel refoulé si c'est comme cela qu'il faut lire la scène du night club. La morale nous est d'ailleurs dispensée par l'happy end et la reconstruction du patriarche, de la virilité.

Car n'est pas seulement montrée la relation mari-épouse, mais aussi celle qu'ils entretiennent avec leurs enfants. Ces derniers peuvent se montrer extrêmement autoritaires à l'encontre de leurs parents, les obligeant par exemple à quitter la pièce – remarquons que les parents finissent par céder.
Cette double relation ne semble pas anodine lorsque l'on prend en compte le pays d'origine du film : la Suède. Si l'on demande à un étranger lambda comme moi de donner deux stéréotypes pour décrire le pays, ce serait sans doute « importance du féminisme » et « bon système éducatif ». Le féminisme suédois fait souvent parler de lui en France, lorsqu'il s'agit de saluer les progrès en matière d'égalité des sexes ou d'en condamner les excès. Force est de constater qu'il est devenu incontournable dans les débats sociétaux (par exemple avec l'intégration d'un parti féministe au Parlement). Pour ce qui est de l'éducation des enfants, la Suède se situe dans les premières positions de tous les classements qui sont faits dans ce domaine. La politique familiale du pays est également régulièrement saluée pour réussir à concilier travail et vie de famille.
Il est rare que l'unanimité existe, quelque soit le sujet, et il n'est guère étonnant que ces deux domaines soient confrontés à d'intenses critiques. La critique du féminisme nous est familière, il peut s'agir d'en accuser les excès ou de remettre en cause la perte de virilité de l'homme et la remise en cause des valeurs familiales traditionnelles (dans une perspective machiste et réactionnaire, j'utilise ces deux termes au sens le plus neutre possible). Nous sommes moins habitués aux remises en cause de l'éducation suédoise, mais la critique des « enfants-roi » est parfois exprimée : leur système éducatif assimilant les « enfants » comme des « personnes » à part entière aurait pour conséquence de créer une génération d'enfants gâtés, désobéissante et méprisante de leurs aînés.

Je ne connais pas le réalisateur, Ruben Östlund, et je ne saurais dire comment il se place face à cette double-critique. De ce film, néanmoins, semble ressortir une mentalité assez conservatrice. Laquelle, d'ailleurs, est presque originale.
Du reste, cela reste une œuvre très agréable à regarder, une parfaite combinaison entre la comédie et la tragédie.
Hugo_Grellié
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le 29 janv. 2015

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Hugo Grellié

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