C'est alors que le frère irlandais de François Damiens nous abreuva de sa science de prédateur naturel. L'homme est contrôlé par son instinct de survie qui le pousse à réagir de façon spontanée et irréfléchie face à un danger. Mais la femme est en désaccord avec ce constat purement subjectif, mourir en compagnie de ses rejetons étant infiniment plus plausible et moral que de continuer à vivre sans eux. Qui a raison et qui a tord ? Le film pose la question mais n'y répond pas, préférant alors utiliser la puissance de sa mise en scène pour proposer une expérience visuelle empreinte de sérénité et de silences mensongers.
Une grande partie du métrage se compose de plans fixes d'une durée conséquente ayant pour but de montrer frontalement le plus de choses avec une économie de mouvements. Pas de panoramiques dynamiques et pas de travellings ostentatoires, la force du film réside dans ces captations complètement neutres des gesticulations des personnages. Leurs états d'âme ainsi que leurs monologues intérieurs transparaissent avec gravité sur leurs visages tantôt transis d'angoisse incrédule tantôt manifestations acerbes de leurs craintes infondées. L'immobilité de la caméra instaure un climat presque malsain lorsqu'il s'agit de filmer l'évolution verbale et sentimentale d'une conversation qui avait commencée sur un statut-quo pour finalement devenir un tribunal de fortune. Quelque chose s'est passé pendant ces vacances de rêves sur la neige française, et cet événement est responsable du désordre qui règne désormais dans le microcosme de cette famille suédoise.
Le film peut faire penser à "Blue Velvet" en ce sens que sous les photos de la famille parfaite et les sourires forcés se cache une réalité presque cauchemardesque, viscérale. Encore une fois, la caméra fixe permet une viscosité dérangeante. L'absence de mouvements, ou plutôt la volonté de s'accaparer du mouvement pour le rendre immobile, transforme des plans avec des choix de mise en scène qui leurs sont propres en fresques innocentes d'un malaise nauséeux. C'est dans ces plans très lents qu'apparaissent des visages qui s'abreuvent petit à petit de l'ampleur de la situation, de la banalité à l'angoisse en passant par la stupeur silencieuse.
Ces plans fixes offrent d'intenses moments supportés par un infime zoom avant. Le père et la mère rentrent dans la chambre de l'hôtel, ils hurlent et tournent en rond. Elle tentant de le calmer, lui qui s'effondre de tout son long sur le pouf en sanglotant furieusement. Les enfants sortent du lit pour voir ce qui se passe, et tombent nez à nez avec leur père en larmes, figure immortelle et invincible, désormais noyée dans le chagrin, brisant ainsi sa propre icône. On trouve plusieurs plans comparables tout au long du film qui ne perdent aucunement de leur puissance dramatique à mesure que le temps passe, elle s'accroît au contraire jusqu'à transformer ces plans en attentes captivantes.
De la même manière que l'agent du service d'entretien des chambres, on ne peut que se laisser succomber au voyeurisme pervers devant cette manifestation d'une descente aux enfers à la fois glaciale et superficielle à l'échelle d'un œil patenté.
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