Prix du jury au festival de Cannes 2014 dans la sélection "Un certain regard", le quatrième film du réalisateur Ruben Ostlund, observe les conséquences d'un acte, sur une famille unie en façade, lors d'un séjour dans une station de sports d'hiver durant 5 jours.
C'est une famille type, de celle que nous vendent les médias jours après jours, qui va se fissurer devant nos yeux. Un père, une mère et deux enfants : une fille et un garçon. C'est parfait, ils sont beaux et vivent dans la luxure, tout va bien. Mais on perçoit un léger malaise, très rapidement. Une séance photo improvisée en haut des pistes, avec le photographe donnant des directives, pour que cette famille montre un peu de chaleur devant l'objectif. Puis la mère, regardant les photos, sans le père et se focalisant sur celles de ses enfants. Il y a comme un détachement entre eux, avec encore la mère soulignant que le père, a pris un peu de temps pour eux, afin de partir ensemble en vacances, sous-entendant qu'il ne fait plus attention à elle et à ses enfants, préférant se focaliser sur son portable.
Le drame qui va se nouer, confirme cet état de fait, avec cette avalanche ou le père pense à sauver son portable et ses gants, en laissant sa femme et leurs enfants, sans défense. Une fausse alerte, mais aux conséquences désastreuses, pour un couple déjà mal. Cette douleur bouffe la mère, qui ne peut s'empêcher d'aborder le sujet n'importe ou et face à n'importe qui. La lâcheté et l'égoïsme de son mari, niant les faits, alimente le malaise. Même les enfants le ressentent et rejettent leurs parents, face à à une situation qui les fait aussi souffrir, avec le divorce, tel une épée de Damoclès, sur leurs petites têtes blondes.
Les journées sont différentes, mais les soirées se finissent toujours sur les quatre saisons de Vivaldi, ou l'on entend les canons déclenchant les avalanches et les camions neiges arpentant les pistes. Avec en point d'orgue, la scène de la salle de bains, ou la famille se brossent les dents ensemble. Mais avec la relation se détériorant inexorablement, les enfants disparaissent, puis la mère, laissant le père seul face à ce miroir, lui renvoyant sa culpabilité.
Ruben Ostlun marche sur les traces de son illustre aîné Michael Haneke. Impossible de ne pas penser à ce dernier, tant la mise en scène, le sens de l'observation, la froideur et l'absence de jugements, ressemblent à son cinéma. Comme lui, il aime prendre son temps, avec ses moments de rien, sa caméra se détournant des personnages, en devenant un plan fixe, marquant l'instant et donc, le temps.
Mais ce qui marche chez Michael Haneke; et encore, pas tout le temps, comme dans Caché; ne fonctionne pas vraiment ici. Le drame méritait un traitement plus profond, plus interne à la famille, en mettant plus en avant les enfants et non, en invitant des inconnus dans la danse. Du moins, pas tous. La mère seule en vacances, trompant allègrement son mari, n'apporte pas grand chose. Sa confrontation avec la mère principale est convenue, la première ne comprenant pas son style de vie, ce qui démontre son étroitesse d'esprit. C'est bien de vouloir copier un "maître", il y arrive dans les moments de confrontation, mais ses scènes de contemplation, cette répétition des fins de journées, finissent par lasser. Puis, il a du mal à finir son film et surtout, c'est tellement prévisible. Cette absence de surprise est préjudiciable au film, ne lui conférant pas une aura plus grande. La cause est réussie, les conséquences le sont moins, ni sur eux, ni sur ceux qui les entourent.
La douleur de la mère, la souffrance du père et la peur des enfants, ne sont pas vraiment touchante. C'est traité avec une telle froideur, qu'une distance prend place entre eux et nous, empêchant l'empathie. Certes, cela change des films habituels, ou la musique, les larmes et autres artifices, nous forcent à nous attacher aux personnages et parfois, jusqu'à l’écœurement. Mais, on se retrouve avec un tel grand écart, qu'on se retrouve avec l'excès inverse et ce détachement, rend les événements moins passionnants.
L'idée est intéressante, mais cette distance, rend le film glacial, comme les montagnes enneigées, qui servent de décor, à un film, ni mauvais, mais ni vraiment bon. Une petite déception, malgré des moments forts, mais une fin faible.