Contrôler la Machine, c'est Contrôler le Monde.
Difficile de résumer Snowpiercer en quelques mots, ce serait trop réducteur.
En revanche, lorsqu'on me demande si le passage à l'heure américaine est réussie pour Bong Joon-Ho, la réponse est très simple : Yep !
Film polymorphe, Le Transperceneige détonne dans la production actuelle, avec une exigence élevée aussi bien sur le plan formel, que sur le fond.
En terme de mise en scène, c'est une effusion visuelle notamment au niveau de la photographie, qui va du gris crasseux des prolos, à la froideur technologique et industrielle de la Machine, sans oublier les couleurs chaudes et saturées du confort des nantis.
Pour chaque wagon-level, une ambiance unique (symbolisé par le mot-clé) qui va du contemplatif, au huit-clos, en passant par une bonne dose de burlesque en plein milieu d'une scène d'action monumentale. Rien que ça.
Ah oui, les quelques plans extérieurs figés, sont absolument SU-BLlMES.
Sur le plan des thématiques développées, le Snowpiercer enferme une micro-société, dans une sorte d'étude de comportement sans concession.
Bien évidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à 1984 dans sa dénonciation du totalitarisme, mais aussi à Cube dans l'exploration des sentiments humains, sombres ou vertueux.
On est très souvent dans la métaphore et le symbolisme, parfois avec de gros sabots, mais souvent juste grâce au talent de son réalisateur, mais aussi de ses acteurs.
Chris Evans en premier, qui vient valider définitivement son opération de personal-branding après quelques apparitions dans des productions indés (Sundance Approved ™) pour enfin nous convaincre qu'il peut-être un vrai acteur.
Quant à l'incarnation de la classe supérieure, Tilda Swinton est délicieusement détestable, par un jeu déroutant au départ, mais jouissif par la suite. D'ailleurs tout le film joue sur le fil de l'humour burlesque, cynique, que j'adore, car on ne sait pas vraiment quand il faut rire (souvent des rires décalés et déphasés dans la salle, ce qui est bon signe).
Cela permet notamment de désamorcer les clichés prolos/nantis dans leur opposition.
Projet hautement casse-gueule, cette réussite sera seulement entachée par quelques violons inutiles qui dénotent et les dernières secondes un poil convenues.
Il en restera beaucoup de séquences marquantes au fur et à mesure de la progression (wagon de "nuit" mémorable, wagon école qui nage en plein Orwel, et bien d'autres, je veux pas spoiler) qui permettront d'oublier un début assez quelconque.
Bref Snowpiercer surprend, choque et fait rire, dans un jeu d'équilibriste très risqué.
A l'image d'une société en pleine ébulition, exacerbée, avec ses qualités, et ses quelque défauts.