Snowpiercer, c’est le genre de film que j’attendais avec grande impatience. Aujourd’hui, c’est le genre de films que je peux revoir sans me lasser. Pour moi, Bong Joon-Ho réussit totalement cette incursion dans le cinéma international. Plus qu’un blockbuster américanisé, il nous offre une œuvre avant tout coréenne et ambitieuse.
Snowpiercer, c’est aussi le genre de film que je craindrais presque de revoir tant les avis ne le prennent pas, ou trop, au sérieux. Pourtant, c’est un pur régal à chaque visionnage si bien que je pourrais sauter à nouveau dans ce train pour le voyage de retour à peine arrivé à quai.
Et j’en ai lu des critiques négatives, mettant souvent en lumière de stupides incohérences et un traitement ridicule.
Heureusement, le ridicule ne tue pas. Il peut même rendre plus fort.
Ridicule n’est pas forcément une mauvaise chose. Le ridicule peut devenir un important caractéristique s’il est justifié, voulu par le réalisateur, qu’il apporte un plus au récit et à l’ambiance, et qu’il laisse entrevoir une réflexion au-delà de la simple plaisanterie ou de l’étrange décalage de ton. On trouve dans le film du génie coréen un mélange de genre encore une fois succulent, toujours remis en cause par une opposition.
La plupart des situations « moins basiques » ne sont d’ailleurs pas ridicules, mais elles usent d’un tel humour qu’il est facile de les trouver insensées. Pour qui saura apprécier cet écart, le film est un régal. Bien que cet humour soit très présent, de même que dans The Host, il ne demeure aucunement le point dominant du film. Loin de là.
Le film n’est pas exempt d’incohérences, mais il faut parfois se laisser prendre dans l’univers, surtout quand il offre un background unique et assez intéressant sans avoir besoin d’en dévoiler beaucoup. Il ne faut pas oublier que l’inspiration vient d’une bande dessinée –que je n’ai pas lue –mais il faut savoir accepter des faits qui nous paraissent invraisemblables pour profiter de l’œuvre. La « fiction » ne justifie pas le « n’importe quoi », mais je ne comprends pas le rejet qu’on beaucoup pour le scénario de Snowpiercer. J’accepte sans problème l’existence de ce train à énergie perpétuelle. J’accepte les classes qui se sont créées au sein de cette nouvelle société. Et par-dessus tout, j’accepte ce qui fait le moteur même du film : aller de l’avant.
L’histoire ne commence pas par les événements déclencheurs de la situation (cela sera cité à plusieurs reprises) ; elle commence avec la révolte de Curtis. A partir de là, nulle question de revenir en arrière, tout n’est qu’une recherche de découverte, une avancée dans le scénario et dans le train.
Le film est d’ailleurs basé sur cette idée incessante de mouvement vers l’avant. Il suffit de voir cette scène où le héros doit faire un choix difficile : Son visage se tourne à gauche, vers son ami, il regarde ainsi vers l’arrière du train et il est alors question de reculer et renoncer. Puis son visage se tourne à droite, vers « la méchante », il regarde ainsi vers l’avant du train et il est alors question de continuer, de poursuivre la progression pour parvenir à l’objectif. C’est un exemple d’opposition parmi tant d’autres, car dans ce Transperceneige, l’opposition est omniprésente.
Il y a donc principalement cette opposition entre avant et arrière. Le film prend la forme d’un schéma au sein d’un train, dont la situation initiale se trouve à un point et dont la conclusion se situe à l’autre bout. Plus qu’une pensée sur la lutte des classes, nous avons le droit à une image du progrès, de l’injustice, ou encore de l’individu face au groupe (encore une opposition).
L’opposition entre violence est humour est marquante. Elle prend forme lors de scènes d’action ou apparaît dans des dialogues. On ne sait parfois pas s’il faut rire ou non.
Comme vu précédemment, il y a aussi une opposition entre avant et après. L’événement central étant la fin de l’humanité, la montée des survivants dans le train. Certains ont connu l’avant, d’autres pas ; en tant que spectateurs, seul l’après nous intéresse réellement.
On trouvera plus tard une opposition entre désirs et réactions, plusieurs personnages étant amené à prendre (ou ayant pris) des décisions inattendues ou contraires à la linéarité et le basique de l’histoire.
Une sympathique opposition entre Corée et Etats-Unis se profile également. C’est à qui trouvera le plus d’aspects différenciant un cinéma de l’autre.
Et pourtant, chacun de ses faits est mélangé avec son opposition. Il n’y a pas d’ordre, avec un fait d’un côté, et son opposé à l’autre bout. C’est ainsi que avant et arrière, violence et humour, avant et après, désirs et réactions, Corée et Amérique, tout se mélange. Tout cela nourrit le moteur sans arrêt.
Alors c’est bien beau, j’ai acheté et composté mon billet, le voyage s’est déroulé sans aucun souci, mais ce ne serait pas suffisant. Ce voyage est plus qu’un simple aller, d’un point A à un point B. La manière dont il le fait est des plus remarquables.
Le point le plus important pour moi, ce qui me fait prendre un pied monumental quand je suis dans le transperceneige, c’est sa virtuosité.
La mise en scène est très efficace. Habilement associé au montage, le film devient parfois spectaculaire. Ce sont de vraies chorégraphies qui s’offrent à nous.
Un bras qui prend une arme, qui s’élance vers un visage, une main qui l’arrête, le bras qui lâche l’arme, de nouveaux doigts qui l’agrippent, un corps transpercé… Tout cela est tellement bien filmé, s’en est ahurissant. Plus sobre, on notera avec quelle maîtrise est amené le « discours sur la chaussure », avec ce bras qui s’agite et qui est toujours au bon endroit dans le cadre.
Personnellement, j’ai même apprécié certaines petites séquences sorties de nulle part, qui sont totalement uniques et impressionnantes. J’adore véritablement la caméra de Bong Joon-Ho, ses mouvements et ses zooms utilisés à la perfection. Ce n’est pas pour rien si mon moment préféré ne dure qu’une seconde. C’est presque une image et je ne saurais vraiment pas expliquer pourquoi je l’aime tant. Je mettrais une capture d’écran ICI (et ouais ça se passe comme ça quand on n’a pas les moyens). Pour moi cette seule seconde résume énormément du cinéma de Bong, et est amenée avec tout le talent de son cadrage et sa maîtrise.
Ce que je retiens souvent des films que je regarde, ce sont les grosses séquences, le point culminant, quelque chose de bien marquant. Etrange alors de ne citer qu’une seconde.
Snowpiercer est loin d’être basique. C’est une œuvre bel et bien unique, marquante, et réussie.
Pour ce qui est de la conclusion, j’aime bien être pessimiste lorsqu’une ouverture s’offre à nous. Mais ici, le véritable pessimiste est la vision vaine qu’on certains de l’ultime scène ! La déception peut pointer son nez, mais nul besoin de réduire la finalité à une simple réponse « oui » ou « non ».
Et de même que le film commence à un moment donné, il s’arrête ; pourquoi crier à l’incohérence quand le réalisateur n’en dit pas plus ?
Je m'explique avec certaines questions que j'ai pu lire :
« Comment peuvent-ils survivre ? C’est n’importe quoi ! » Qui nous dit qu’ils vont survivre ? Et au fond, pourquoi n’y arriveraient-ils pas ? N’y a-t-il pas des wagons remplis quelques mètres derrière ? Seuls deux enfants nous sont montrés mais ne peut-il pas y avoir d’autres survivants ? La glace fond, ne peuvent-ils pas trouver de refuge ?
Mais il est vrai que l’ours polaire est assez étrange, comment a-t-il pu survivre ? Il est avant tout symbolique, c’est l’espoir et le renouveau qui sont ici imagés.
J’ai vu ce que le film a voulu me montrer et j’ai apprécié, c’est le moins que l’on puisse dire. Il est compréhensible qu’il ne plait pas à tout le monde, mais je passe au-dessus de certains défauts.
Snowpiercer a tant de qualités… Dommage que tout le monde ne pense pas ainsi !
Mais au fond, ce que l’on trouve en presque toute chose, c’est l’opposition.