Ce film m'a laissé un goût étrange dans la bouche. Il véhicule à la fois des concepts très profonds et des idées inconfortables. C'est ainsi que j'ai terminé la séance dans un état mitigé en ne sachant si je devais lui octroyer un "4" ou un "8". La nuit ayant porté conseil, je me dirige sur "7" que je vais tenter d'expliciter.
Le monde, les visuels, l'ambiance :
Sur cette Terre post apocalyptique, un immense convoi ferroviaire parcours le monde en emportant avec lui ce qui reste de l'humanité. La façon dont s'est produit le basculement fatal est bien amené. Les images extérieures sont superbes, glaçantes. L'intérieur des wagons est vraiment bien agencé, il se dégage une organisation structurée, à l'image de ce qu'avait pu être le monde d'avant. A l'arrière du train, c'est la débrouille. Plus on avance, plus la vie est élaborée. L'ambiance quotidienne où chacun essaye de survivre à sa misérable place est vraiment bien restituée. On s'y croirait. Et que dire des personnages ? Ils sont nombreux à être typés à souhaits.
Les incohérences, les étrangetés, les questions en suspens : (attention SPOILERS)
Beaucoup de questionnements m'ont assailli et continuent de le faire. En voici quelques-uns :
-Comment un train, fusse-t-il conçu à cet effet, peut franchir des congères de glaces énormes (elles ont eu un an pour pour constituer) sans dérailler ? (et je ne parle pas des ponts et des rails qui demeurent intacts)
-Comment se peut-il que la population "pauvre" semble moins importante que les "nantis" (qui paraissent très nombreux de leur côté) ?
-A quoi servent d'ailleurs les "pauvres "dans ce train, quelle est leur fonction réelle ?
Les idées, les concepts : (attention SPOILERS)
J'ai cru deviner plusieurs postulats dans ce film. Je ne sais quelle était l'intention réelle de l'auteur et je n'en suis toujours pas sûr à cette heure.
-Le train est une représentation à échelle réduite de l'humanité : en wagons de queue se trouvent les pauvres dont la fonction est théoriquement de fournir une main d'oeuvre à bon marché aux plus riches. Cela n'apparaît cependant pas clairement dans le propos du film. Les nantis s'adonnent à l'hédonisme le plus classique (fêtes, prise de drogue...) de façon quasi caricaturale.
-Les pauvres ont-ils alors pour seule fonction de susciter la crainte chez les nantis afin que ceux-ci aient un but et soient de ce fait mieux contrôlés par leur leader ? (rôle psychologique plus qu'utilitaire ?)
-Un lien existe entre le dirigeant de ce micro-univers et le meneur des soumis afin de réguler la population. Il semble que des révoltes cycliques soient entretenues pour gérer la surpopulation. On retrouve, à un échelle moins mystique, la thématique développée dans Matrix. Le chef des pauvres présente d’ailleurs une ressemblance frappante avec Néo.
-Le concept le plus puissant que j'ai cru discerner est celui-ci : La remontée du train par la frange de l'humanité la plus modeste est une parabole de l'évolution humaine. Différents stades sont ainsi franchis : les épreuves de force pour se dépasser physiquement, la compréhension du fonctionnement du monde (comment la nourriture est générée, l'existence d'éco-systèmes), l’expérimentation du plaisir quand les premiers stades de la pyramide de Maslow sont satisfaits, la révélation de l’ordonnance du monde avec les choix drastiques que cela comporte. Toutes cette difficile évolution pour conduire l'homme à sa perte : suite à une folie chimérique, le monde finit fracassé et les rares survivants se retrouvent face à une disparition inéluctable dans un monde rendu trop hostile pour leur survie (et ce n'est certainement pas la présence d'un ours blanc qui va assurer la survie hors du train !).
Certaines idées émises dans ce film m'ont questionné, surtout par le côté inéluctable dont elles sont présentées :
-L'homme est trop stupide pour se gouverner par lui-même, il lui faut des têtes pensantes. Si l'on suit ce raisonnement, la démocratie est inutile, seuls comptent quelques esprits éclairés pour guider le troupeau (une idée platonicienne me semble-t-il). A quoi sert donc l'éducation ?
-Il est nécessaire de maintenir des castes pour le bon fonctionnement de la société : l'histoire nous montre qu'il en a souvent été ainsi mais il s'agit d'une pensée réactionnaire à l'aune de nos sociétés (soi-disant) démocratiques.
-L'homme ne parvient pas à se projeter au-delà de ses pulsions immédiates, il est donc condamné à s'auto-détruire. Une idée qui paraît plausible vu l'aveuglement des peuples et des gouvernements face au péril climatique (les habitants de l'île de Pâques l'ont en leur temps expérimenté à petite échelle avant nous).
Bref, au-delà des apparences d'être un simple film de S-F catastrophiste, ce film soulève de nombreuses questions existentielles. Rien que pour cela, il mérite d'être vu.