Il m’a bien fallu un second visionnage pour comprendre enfin ce qui me gênait tant dans Snowpiercer. Je me souviens être sortie de la séance dans le même état que Durendal lors de sa première « critique » du film ; l’ayant vue après coup je trouve qu’il a bien restituée l’impression de what-the-fuck-did-I-just-watched que j’ai éprouvée lorsque les lumières du cinéma se sont éteintes.
Ce n’est pas que ce film est particulièrement étrange ; simplement il m’était vraiment difficile de savoir si je l’avais aimé ou non (heureusement qu’à l’époque je n’étais pas sur SC sinon je me serais ouvert les veines pour choisir sa note le soir même).
Sur le papier, Snowpiercer a tout pour être un film de SF réussit. D’abord, une idée géniale, celle d’un train représentant la société (les riches à l’avant, les pauvres en queue de train), sillonnant un monde post-apocalyptique après une seconde ère glacière provoquée par les hommes eux-mêmes en tentant de contrer le réchauffement climatique – le Transperçeneige étant à la base une bande-dessinée française. Ensuite, un réalisateur talentueux, Bong Joon-Ho (et ne me regardez pas comme ça, oui je n’ai rien vu de lui malgré la propagande acharnée de 80% de mes contacts sur SC). Et enfin une brochette d’acteurs géniaux – américains et coréens – comme Tilda Swinton, John Hurt ou Song Kang-Ho, l’acteur fétiche de Joon-Ho.
Mais en pratique…
ATTENTION SPOILERS ! /!\
L’ensemble du film est une métaphore très lourde sur la lutte des classes, avec quelques enjeux psychologiques secondaires malheureusement sous-exploités, comme la confrontation du héros à son passé qu’il refoule, qui ne surgit qu’à la fin du film lors de la pause cigarette/moment confession obligatoire avant le final.
Je ne connais pas grand-chose du cinéma coréen, mais j’ai ici l’impression d’un certain décalage entre ces enjeux extrêmement sombres (de survivance, de lutte pour un idéal de liberté, d’affrontement à soi-même), et un sens de l’esthétisme et de la mise en scène sublimes (comme les jeux de lumière lors de l’épique scène de combat dans le noir), mais qui semblent exagérés dans ce contexte, car ils servent des actions invraisemblables. En effet, après cette scène d’action culminante en lunette de vision nocturne, le film s’essouffle un peu dans une succession de scènes peu liées où le héros et ses compagnons de moins en moins nombreux traversent chaque wagon jusqu’à celui de tête.
Le spectateur ne se sent investit alors émotionnellement que face à des évènements extrêmes, comme la mort des personnages principaux, ou face à des situations jouissives mais grotesques comme cette fusillade dans l’école. Le gore est parfois à la limite du soutenable au niveau émotionnel, comme dans cette scène où le personnage interprété par Chris Evans avoue avoir mangé du bébé pour survivre (miam).
Le climax culminant à la fin du fin est le décès de l’entièreté des passagers du train, exceptés deux survivants, après le renversement du train qui succède lui-même à une révélation tellement peu crédible qui explique qu’Alex La Biche ait vigoureusement cliqué sur 4 au moment de choisir la note du film.
Cette fin, absente de la bande-dessinée originale (comme l’idée de révolution d’ailleurs), semble une solution de facilité.
Le film renonce à répondre aux problématiques qu’il a posé (se rebeller ou suivre le système en cas de situation de dépendance à l’autorité ? diriger un peuple soumis "pour son bien" ou être prêt à tout au nom du droit à l’autodétermination de chacun ?) et préfère résoudre le tout par : « et tout le monde mourût, sauf les plus purs, la fille et l’enfant, et tels Adam et Eve ils recréeront sûrement une civilisation en ayant des enfants qui s’accoupleront eux-mêmes entre eux (parce que l’inceste, ça passe quand c’est au nom de l’humanité). »
Au final, du très bon, des scènes mémorables (les scarabées en gelé, miam), une bonne impression générale, mais un ensemble trop décousu et maladroit. Et surtout, un final qui fait à lui seul baisser ma note d’un point (parce que moi je suis une fille comme ça, tu vois quand je n’aime pas un truc, je le répercute).