La première chose qui frappe dans ce film est la qualité de la mise en scène. Très violent, le film ne comporte aucune image gore ou sanguinolente grâce à l’esthétisme rare dont fait preuve le réalisateur. Cet esthétisme frappe d’autant plus qu’il est mis au service d’un propos intelligent qui évite tout manichéisme et a le mérite de faire réfléchir le spectateur en effaçant l’habituelle dualité gentils / méchants, chacun ayant quelque chose à se reprocher (pour les « gentils ») ou des circonstances atténuantes (pour les « méchants »). Mais les images parlent d’elles-mêmes et le film parvient souvent brillamment à se passer de dialogues pour nous montrer la déchéance de l’homme grâce à des images accablantes (la scène très impressionnante où les héros, sales et miséreux, traversent un « wagon-boîte de nuit » rempli de gens shootés, aux allures bestiales) qui évitent donc tout discours moralisateur trop explicite. Malgré une fin qui peut laisser un peu perplexe (je ne me suis pas encore décidé entre un pessimisme assez noir, ou un irréalisme utopique qui n’entre pas vraiment dans le cadre du film, même si un bon happy end à la fin ne serait pas pour nous déplaire), Bong Joon-Ho nous livre un film qui parvient à distraire tout en faisant réfléchir intelligemment le spectateur, ce qui est suffisamment rare pour qu’on ne fasse pas trop la fine bouche.