Là-haut Tseu.L'art d'être parent sur la longueur.Le Grand Pardon.La Chine des enfants perdus.

(dédié à Jean-Bernard Boulin; attention, je sais que ce texte manque de plan et structure; ce sont plus des remarques que je ferais à l'oral à la sortie de la salle).


Premières notes sans spoil (je vais essayer sans spoil car je ne savais strictement rien quand je l'ai vu ce soir donc veux essayer de rendre la pareille).
Un film qui parle de ce que c'est d'être papa, d'être maman, d'adopter, d'aimer un enfant sans être aimé, de faire grandir des ados difficiles, d'être un gentleman, d'avoir de l'éthique, de bosser dur etc.
Le contexte historique et le pays m'importent presque peu: dans ce film, ce sont les petites histoires qui m'ont absorbé même si elles se déroulent devant une énorme montagne, une énorme mer et une Grande Histoire: La Chine changeante.



Ich bin ein Chinese(r)



Tous ses sujets ne sont pas que Chinois ou que des années 80...Chinois ou pas, géniteurs ou éleveurs; des parents adoptant peuvent aimer autant que les biologiques. La PMA, la GPA, la famille recomposée, le pardon, le sens du devoir, la culpabilité, l'exemplarité, l'éthique, l'abnégation, montrer l'exemple, le travail, la culpabilité par procuration, la honte d'avoir des parents coupables: tous ses sujets ne sont pas que Chinois ou du chinois, ce qui explique que cette merveille atteigne les écrans de mon cinéma (dont je suis si reconnaissant).
Je sais que ces autres sujets le traversent: la soumission à l'ordre, l'excès de zèle, la collaboration ...mais ils n'ont pas été mes préférés ou ceux qui rendent le film si universel.


Atmosphère de L'Invasion des profanateurs et elle doit cacher sa grossesse comme si elle portait la bête de The Thing sauf qu'on était pas dans un film et à l'échelle d'un pays.
Ce n'est pas la partie la plus touchante pour moi: celle de quasi Invasion des Profanateurs où le femme enceinte doit cacher son état comme dans un film d'invasion où un "normal" doit cacher qu'il n'est pas encore infecté et n'a pas trahi la secte. Ils se regardent et surveillent d'ailleurs tous comme dans The Thing.
Où est Charlie ? Where's Waldo Where's W(h)ally? "Repérez la femme enceinte"!
Le premier film est d'après de nombreux historiens du cinéma une sortie d'usine, La sortie de l'usine Lumière à Lyon,
ici, le premier drame ici est la dernière sortie de son usine de la femme qui doit cacher sa grossesse, son corps, sous cette 'burqa' idéologique mais qui s'évanouit dans le blob bleu d'humains en salopettes, hommes et femmes uniformisés.
Un écran plein de travailleurs qui rappelle le début de Road to perdition. Dans cette masse bleue, dans ce réseau filandreux d'humains, une mini agitation, une commotion, une femme s'est évanouie.
Invasion Los Mao Engels: OBEY!...toutes les affiches leur rappellent d'avoir qu'un enfant
pour le GREATER GOOD:
Ces parents seront mutilés d'une part d'eux pour le bien de la communauté, comme toutes les affiches autour d'eux dans les rues le leur rappellent sauf que c'était pas un décor de film dystopique de John Carpenter mais une vraie secte géante.


Mutilés de la chair de leur chair.


Alors ils se mutilent de leur région d'origine. Ma partie préférée.
Ils déménagent loin de ce qu'ils connaissent et de ce qui pourrait leur rappeler le passé.
On les découvre parents adoptant d'un ado difficile dans une région et zone inondable.
L'ado se bat à l'école, des petits "rumbles".
Petit 'Rusty James' dans une région dont l'humidité rappelle 'La Cite des enfants perdus':
J'ai aimé que les personnages à un moment soient des sortes de réfugiés, d'émigrés au sein même de leur propre pays tant ils vont dans une région qu'ils connaissent peu et où ils ne parlent même pas la langue locale. On oublie en effet que la Chine est une sorte d'Europe où toutes les régions ne parlent pas le même langage...11 langages officiels en Chine?
Une scène étonnante est la nonchalance et flegme avec lesquels ils gèrent une inondation de leur demeure: visiblement pas la première fois, ils étaient partis chercher leur ado fugueur; bien sûr il s'était mis à pleuvoir...trempés, épuisés.
Ils découvrent à leur retour, leur maisonnette/atelier devenu l'aquarium géant de Rusty James...
On reverra d'ailleurs leur petit voyou en Motorcycle Boy: ses potes jouant à la moto devant l'atelier..
Ce sont des parents adoptant attentionnés, la chambre du fils est plus meublée que le reste de la maison: on aperçoit une guitare au mur.


Beau Dazi-Là-Haut:



Le dazibao en Chine est une affiche rédigée par un simple citoyen, traitant d'un sujet politique ou moral, et placardée pour être lue par le public. Par extension, et au sens figuré, le mot est employé pour désigner des publications non officielle.(merci wiki)
Si le fameux premier quart d'heure de Là-Haut vous a étouffé d'émotions, accrochez vous car dans celui-là, ce sont les trois (derniers) quarts du film qui sont équivalents. Ils m'ont vissé sur mon fauteuil.
Je l'ai vu sans rien en savoir sauf que des "acteurs avaient eu des prix", qu'il allait passer près de 'chez moi' (deux fois; et toutes les deux à 17h30...faut juste finir sa journée avant)
et que les notes de SC en haut à droite étaient pas mal (au moment où j'ai regardé).
Je n'avais rien lu à son sujet et n'ai encore lu aucun texte avant d'écrire celui-là.
J'ai juste désormais parcouru le casting sur SC et imdb car aimerais me souvenir des "seconds rôles" tout aussi exceptionnels que les "premiers": des acteurs si bons dans leur vieillissement sans excès de maquillage à différentes époques.



Et j'ai désormais parcouru la page Wikipédia du film pour tenter de comprendre son titre original inspiré d'un Lao Tseu, Dì jiǔ tiān cháng, ce qui me fait trouver une description d'émission de radio sur son livre qui résume bien le film et mon ressenti:



"Le Tao Te King , né 4 ou 5 siècles avant notre ère, d’un auteur problématique (Laozi, alias Lao Tseu, alias « Le Vieux Maître »): certains récits ont cette propriété - par leur profondeur, par le génie qui les porte – de pouvoir voyager en traversant les frontières de langues et de cultures.
Quiconque se frotte à ces trésors de l’imaginaire (qu’ils soient écrits, ou de tradition orale), en sort ébloui, porteur d’un versant singulier et irremplaçable de l’ « humaine condition » …"



"En traversant les frontières de langues et de cultures",
comme ce film. Loin de ma langue et encore plus de ma culture, et il a voyagé et aluni sur mon coeur.


Mini résumé du début (sans spoil): Le film commence par deux petits frères, HaoHao et XingJing regardant de loin d'autres d'enfants jouer au bord de l'eau. Hao veut les rejoindre, Xing a trop peur. On comprend qu'ils ne sont pas vrais frères et que leurs papas et mamans qui s'entendent aussi très bien comme frères et soeurs.


Au début j'étais perdu, à la fin j'étais en larmes puis à sa toute fin, plus du tout, car très belle et élevant-e...puis pendant le générique de fin sur sa musique parfaite car en harmonie , j'ai refondu en larmes. Cette musique est d'un Dong Yingda. Refondu en larmes en repensant au film et réalisant mieux ce que ces parents avaient su tout le long et que je ne savais pas moi...


et je ne savais pas qu'ils savaient...


ce qui rétrospectivement rend ce couple encore plus beau que je ne croyais.
Un des plus beaux du cinéma ( de mon cinéma).



Le casting:



Les parents: parmi les plus beaux du cinema
_ Yong Mei, actrice chinoise: joue la maman forcée d'avoir qu'un seul enfant biologique, et méga bosseuse, et aimante
_ Wang Jingchun, acteur chinois: joue le papa multiple et éducateur et bosseur
_ la directrice est aussi une actrice exceptionnelle: Liya Ai ; c'est elle qui fait que 'juste-faire appliquer-la-loi';


complice indirect que le couple n'aura qu'un seul enfant puis aucun (puis deux…). La Chine des enfants perdus (Les avortés de force).


Le couple de Jimmy's Hall avant la répression:
_ Quand j'ai "fièrement" pensé que j'allais voir un film Chinois de 3 heures, je ne pensais pas que je croiserais "les Rivières de Babylone" et je le dois à Jingjing_Li, celle qui aime chanter et danser, avec son mari? qui, lui, sera brisé en prison, ""reformaté"".


Pas le droit à la musique et la danse extérieures comme chez le vieil Amish de Witness ou dans le si beau Jimmy's_Hall. (donc il n'y avait pas que les méchants communistes Chinois).


_celui en prison pour avoir dansé est Zhao-Yan Guo-Zhang dont une toute simple remarque sur une danse très symbolique se révèle clé...il fait remarquer à son ami collègue de travail formant une stagiaire que leur position ressemble à de la Rumba



Le terme Rumba désigne les fêtes nocturnes où on se rassemble pour chanter et danser…
C'est ce genre de soirée interdite qui l'amènera à sa perte.
Passionné de musique et danses étrangères interdites.
Il n'empêche que ce clown déguisé en ersatz de Lou Bega/Gangnam Style/Elvis
remarque très justement que l'homme collé derrière la jeune stagiaire apprenant à manier la machine d'acier tenant en l'air sa main, sur laquelle est fermée celle du mentor...ressemblent à des danseurs amoureux.
Fondus dans le mécanique, tous deux devenus sous l'oeil de Lou Bega une sculpture d'amants de Rodin, ou mieux de Camille Claudel.
Et ce clown ne s'est pas trompé au sujet de cet amour naissant.



Première occasion d'apercevoir la classe, les principes et le true gentleman qu'est parfois ce mentor car lorsque Lou Bega sembler parler de 'sexe', le déjà père protège les oreilles de la stagiaire en chassant à coups de pieds, façon Charlot, le Guignol à perruque.

Bien plus tard, apprenant que la même stagiaire est désormais enceinte, il pensera à éteindre sa cigarette. Parfois un gentleman.


La première morsure du froid et autres plaisirs minuscules: dans une toute petite scène, j'aime aussi sa joie à retrouver la neige. Après des années passées dans une région à forte chaleur, à forte moiteur, il est invité dans sa région d'origine, froide et neigeuse et il en est tout content. (Elle me rappelle une planche de bande dessinée mais je ne sais plus de qui, où sur 6 case un homme passe son temps sur un transat sous un cocotier dans une île paradisiaque en regardant le calendrier qui défile les mois, puis sur une case, c'est le jour des vacances, et on le voit dans les cases suivantes, heureux de faire la queue à l'aéroport, d'arriver dans les embouteillages et dans les rues et ascenseurs bondés puis à la dernière, il est de retour tout triste dans son hamac...fin des vacances.
Les 'vacances': c'est donc le contraste et le dépaysement. Wang Jingchun aime désromais son froid. Qui lui manquait et lui rappelle sa jeunesse.



Les Scènes que j'aime ou celles qui reviennent:



_La scène du "Pique-nique": ...pour info dont tout le monde se fiche; c'est celle où j'ai encore le plus craqué...je n'avais même pas deviné où ils allaient;


quand j'ai vu la pierre tombale,


j'ai d'abord été submergé puis en voyant la manière zen dont eux se maintenaient, je me suis resaisi...la manière dont elle se met à manger...c'est une Leçon de maintien...cette scène finit en picnic mais commence en visite bouleversante.
Et le tout suivi d'un plan où on les voit de dos et on voit le paysage qu'ils regardent: un immense cimetière géant comme la fin de Ceux qui m'aiment prendront le train de Patrice Chéreau.

Et on entend une dernière fois la sonnerie du téléphone du "papa", elle a ponctué la moitié du film: désormais, elle nous fait sourire car leur "fils" a une bonne nouvelle. La naissance d'un petit-fils.


Nombreux Duos de Scènes qui se font écho et miroir: elles se reflètent dans le film...des scènes d'hôpital, identiques avec même mouvements de caméra mais avec personnages différents;
des mains qui se serrent reviennent deux fois,
des palans sur des tables mises avec cloche en osier,

des personnages courant en portant un corps reviennent.



**
_Celles avec le Pater dolorosa ou le Sonic Pietà: le papa courant très vite en portant quelqu'un dans ses bras comme Marie porte Jésus dans la pietà.
'Nous sommes la Vierge Marie de nos enfants' ? Je ne veux pas en faire un film Chrétien (Not That There’s Anything Wrong With That) mais il y a quand même un sacré long plan sur une belle église.

Belle église qui est toute proche de leur atelier de 'menuiserie sur acier'...(plan sur l'église après qu'elle soit allée au temple prier mains jointes). Et avec beau son de cloches qui sonnent.



**


_Miroir des scènes de calvaire au sein de l'hôpital: ce plan où le papa est filmé portant l'enfant, courant et montant les couloirs à l'hôpital
est le même plan utilisé pour filmer la maman douloureuse portée plus tard vers son "opération" forcée dans la même montée 'calvaire'.
La caméra le montre montant puis elle se déplace vers la gauche pour révéler le long couloir: les deux fois, lors des deux scènes, même mouvements.


Ce même 'calvaire' est filmé deux fois pareilles pour montrer deux fois la mort d'un enfant: d'abord la mort du noyé puis celle de l'avorté de force
(avec hémorragie qui sabotera la matrice de la maman).


_Miroir des scènes du calvaire du papa portant des corps: le même papa, portera sa femme de la même manière des années plus tard.



Silence:



Le tout à chaque fois sous le grand signe "gardez le silence"; dont le dernier symbole chinois ressemble à un grand 7 devenant cobra; j'ai vu un gros cobra dont le corps enroulé le maintient debout...grand silence qui tôt ou tard vous mordra et la douleur lancinante deviendra insupportable...
ce silence qui tue, plante des graines pourries, emposonnées en soi.
Graine de silence qui devient même "un arbre" chez un fils, la culpabilité "poussant" avec son corps "comme un arbre" dira ce personnage;
silence qui deviendra une tumeur grossissante chez une autre;
silence qui deviendra une humeur paralysante chez une autre; la poussant (à tort) au geste ultime, occasion pour son mari d'enfin la reprendre dans ses bras mais pour la porter aux urgences..."Silence"
(Combien de zombies sont secrètement désespérés comme elle autour de nous? dans nos entreprises et rues...vidés de leur énergie vitale après un drame, mais ils ont continué à vivre et assurer une fonction sociale comme des robots en mode automatique.
Ces coquilles vides à forme humaine que le drame a juste éteint mais comme des Titanic et gros bateaux géants dont on coupe juste le moteur, ils continuent encore leur route dans le mouvement jusqu'au crash. Avec ses flip-flop, elle marche encore: ils la font avancer parfois comme un zombie).


_Miroir et duos de scènes de table avec repas tout préparé et laissé sous une cloche d'osier protégeant la nourriture des mouches:
il est allé en ville pour passer une petite annonce d'objets perdus le perdu étant leur fils adoptif


qui a fait une fugue; il lui fait savoir que s'il revient, il lui donnera son vrai nom, ses papiers et son émancipation.


Quand il rentre, il découvre à la table de la "salle à manger" (en plein atelier), la grande cloche en osier beige protégeant toute la bonne nourriture préparée par sa femme avec surtout elle, assise juste à côté, belle et émouvante au plus haut point...(une cloche à côté d'une autre? car depuis combien de temps est-elle à se faire du soucis dans cette semi obscurité à l'attendre?). Amoureuse muette mais qui exprime son amours en action comme celle-là.
L'enfant gâté la découvre, tout surpris, ne la remercie même pas, et l'invite à vite aller se coucher: il doit "décharger la camionnette"...on découvrira plus tard, qu'il n'a pas que charger et décharger sa camionnette en ville. Si leur fils adoptif est une fuguard difficile, on découvre le papa, maladroit et enfant très gâté aussi.
Aveuglé par la routine, il ne voit plus le trésor qu'il a sous les yeux, comme les enfants ne se rendent pas compte de l'amour de leurs parents.
Le mari est accueilli par sa femme en pleine nuit avec un en-cas...et il n'en fait plus grands cas, ce grand dadais.
Et bien cette table, et scène de cloche sera répétée plus tard.
Mais si la coche d'osier est à nouveau là, la 'cloche' humaine est remplacée par un petit mot écrit...découvert par hasard par la mari, aussi cette fois de retour d'une ballade, non pas en ville mais d'une ballade très alcoolisée en bord de mer, au pied d'un escalier rentrant dans l'eau.
C'est une lettre d'adieu découverte à temps, plus tôt que prévue, grâce à une envie de boire de l'eau.
Elle conduit à sa deuxième course à pied d'endurance avec corps dans les bras.



(pardon du cliché mais un scène qui rappelle qu') "On reconnaît le bonheur au bruit qu'il fait quand il s'en va".



Il ne lui disait plus qu'il l'aime, elle ne lui disait plus mais au moins lui montrait, en vain.


_Et un plus touchant duo de scènes qui se répondent et se "reflètent" dans le film sont celles de leurs mains se joignant: une fois dans le fourgon de police ( ambulance de force, qui les mènent à l'opération forcée et non volontaire) et une fois, bien plus tard, dans l'avion, quand ils s'amusent d'être encore capable d'avoir peur de mourir… ;-D ;-D ;-D (après tout ce qu'ils ont vécu.) Ils sont invités par son ancien meilleur ami devenu riche dans le BTP..


Hommage aux parents: Une vie de labeur
La scène où elle laisse le cadenas ouvert est déchirante; c'est ça les parents; leur cadenas est ouvert au dépends de leur sécurité. la porte ouverte. Le filet de sécurité.
Elle en répare des filets: une serviette éponge humide tenue par une pince à linge sous son menton penché sur son travail. (là, un voile nécessaire et pratique qui protège du soleil et chaleur et vent salé.)


Dans Voyage au bout de l'enfer, la scène joyeuse du mariage m'est devenue triste car je sais désormais ce qui va leur arriver, ici, c'est une scène de fête , danses et queue leu-leu qui sera encore plus triste à voir lors des prochains visionnages.


Remarques/Miscellanées:


_film avec le meilleur vieillissement des personnages, comme si joués par d'autres personnages


_film avec la meilleure photographie: un plan me revient, vrai mélange d'Hosukai et Turner...
Hosukai et ses petits personnages réparant des filets et paniers dans un décors immense et une histoire immense;
des marins à chapeau et foulard réparent des filets au premier plan sur un embarcadère entourés de paniers quand au loin dans une brume le soleil papier-bulle les nuages, arrière-fond de soleil couchant à la Turner...
(le 3e plan de ce film, l'arrière plan, le fond, l'horizon: je ne sais pas comment dire, comment l'appeler, mais ce 3e niveau de profondeur est souvent beau et grandiose...la petite histoire se passe dans un ensemble plus grand et majestueux…)
...pendant qu'en second plan, des bateaux au loin par dizaines dans la baie rappellent de photos d'agence de tourisme ou des plans de The Beach


_un détail me frappe: un vitrail chez les Chinois devenus riches et entrepreneurs; ce sont des anciens du parti, qui avaient à peine l'eau courante dans les années 80; ils ont désormais du superflu, voire même des vitraux...devenus gros constructeurs d'appartements et destructeurs des maisons d'ouvriers du passé.


_Leurs cœurs en hiver: les feux d'artifice que j'aime tant deviennent de douloureux rappels et une scène symbolique géniale: on en voit d'abord, dans les mains des enfants que la fille de la directrice croise quand elle apporte des raviolis au couple dolorossa; lors de la fête du solstice Une des cènes les plus émouvantes dans un grand silence entre eux, silence douloureux pour les parents, silence impuissant/impotent de la jeune fille (qui pense sa mère coupable de la solitude de ces parents éloignés; elle hérite de cette culpabilité et tente d'aider).
Les feux d'artifice à travers les rideaux éclairent les visages des parents en deuil,
rappelant le mort,
rappelant le vide,
rappelant la tristesse.
Et des infos sur cette fête du solstice rend la scène encore meilleure et symbolique.
Je n'avais pas tout compris car ne savais pas que c'est une des fêtes les plus importantes en Chine.
Traditionnellement, elle est l'occasion de réunir la famille. Or ces parents étaient seuls.
Donc cette fille qui vient le rendre visite est une bonne samaritaine. Elle leur apporte des raviolis:
Wiki m'apprend que ce n'est pas un détail gratuit: et ces raviolis la rapprochent d'un saint laïque chinois:



Dans le nord de la Chine, les gens mangent plutôt des raviolis. On dit que cette tradition a été initiée par le médecin Zhang Zhongjing. Un jour d'hiver, alors qu'il faisait froid, il vit les miséreux souffrant d'engelures aux oreilles. Compatissant, il ordonna à ses disciples de préparer des boulettes de pâte avec de l'agneau et de les distribuer aux pauvres pour les réchauffer.
Depuis, la tradition s'est ancrée et les chinois mangent des boulettes de pâtes lors de la fête du solstice d'hiver pour empêcher les engelures d'oreille...ou ici, des engelures du coeur.
Leur coeur en hiver...



La culpabilité héritée, la culpabilité par procuration et le désir d'aider:
Etonnant de penser que cette jeune fille leur amène des raviolis pour les aider et deviendra une sorte de ravioli humain pour lui. On ne sait pas si c'est par compassion ou amour qu'elle aura une aventure avec ce père endeuillé et seul.



_((_En autres très beaux parents adoptifs, le lendemain même de ce film, alors que j'écris ce texte, je tombe à la radio sur cette courte histoire d'un couple tout aussi beau qui aide une Coralie à l'aide d' escargots...:



Grâce à cet animal, on est entrés en contact avec notre fille. On lui a appris à dire "escargot", "coquille"... Et puis tout doucement, elle s'est mise à marcher, très lentement, comme un escargot, alors qu'on nous avait dit qu'elle ne pourrait jamais marcher. (Mère de Coralie)))



_Leur capacité à pardonner m'a très très très ému: leur capacité à penser à l'intérêt d'un enfant qui n'était pas le leur et qui en plus avait commis le pire est exemplaire.
Le vrai Grand Pardon.
(Quand on pense que des familles Françaises ne s'entendent plus, des clans se sont formés dans des régions pour des bornes/délimitations de terrain déplacées il y a parfois 3 générations, voir des parents pardonner le pire ici est immense).
Pas de ressentiment mais un transfert d'amour. On voit cela presque qu'au cinéma?


_(((Nos fermetures de maternités tuent des bébés:

L'aspect historique (anti communiste ou juste rappelant des faits: sur la Politique de l'enfant unique) m'a moins intéressé tant je vois des histoires douloureuses de nos jours et chez nous...et c'est pas tant mieux que cela.
La France et l'Europe sont pleines de directrices qui ne 'font-que-suivre-les-ordresaussi'.
Pensée pour le petit Aimé: mort-né le 18 février 2019.
Dans 25 ans, un film se fera peut-être au sujet de ses parents:
Céline Guillemot et le petit électricien Fabrice Martinez en deuil aussi))).


_Chishu Ryu:
Au matin, à mon réveil, j'ai repensé à eux.
Et les images du papa, dans sa camionnette, avec sa cigarette, tête penchée...se sont mélangés sur mon écran intérieur à mes vieux souvenirs de la manière qu'a Chishu Ryu à regarder ses interlocuteurs et leur parler.
Xi Qi et Jingchun Wang fumant dans la camionnette me rappellent
Setsuko Hara et Chishu Ryu avec sa cigarette dans Printemps tardif de Yasujiro Ozu.


_Qu'il est beau ce couple d'aimants et d'aidants!
...En pause repas.
...En avion.
(dédié à Jean-Bernard Boulin)

Créée

le 23 août 2019

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