C'est toujours assez délicat de ne pas être séduit par un film qui emballe autant critiques et téléspectateurs.
Tout d’abord, Yong Mei et Wang Jingchun sont en effet vraiment extraordinaires et élèvent le film, de même pour le personnage secondaire joué par Xi Qi qui est très touchant.
So Long, My Son a indéniablement une belle réalisation mais sans doute trop sobre, trop pudique. J'ai été surpris du renoncement des personnages comme par exemple dans la scène de licenciement à l'usine. Il semble évident que l'histoire ne s'est pas arrêté là, et que la violence des ouvriers a sans doute reçu une réponse encore plus forte de la part de gouvernement. Le film choisit de ne pas montrer cet aspect, comme si ça n’importait pas finalement.
La construction narrative du film demande une exigence particulière aux spectateurs, les souvenirs ne sont pas datés, les histoires évoluent en parallèle, parfois le réalisateur essaye même de nous prendre à revers comme avec la scène de hospitalisation. C'est très efficace pour donner l'impression que toutes ces scènes sont des souvenirs qui remontent à la surface, qui se mélangent, se perdent, symptômes d'un drame dont les personnages n'ont pas fait le deuil et que la culpabilité rongent des décennies plus tard. Il faut par contre s'accrocher aux détails dans les décors, au vieillissement et vêtements des personnages pour ne pas se laisser perdre par la désorganisation des scènes. Le processus est certes intéressant mais pas aussi réussi qu'il pourrait l'être.
Ce que dit le film de la Chine contemporaine est passionnant, mais malheureusement en arrière plan du film. Parfois les événements mentionnés ne sont juste que des indices pour situer les scènes dans le temps, et le spectateur n'est pas invité à réfléchir sur ces changements. ( A l'exception bien sur de la politique de l'enfant unique). La Chine qui change, qui se modernise à grande vitesse, avec ces bâtiments ouvriers rasés pour construire de nouveaux immeubles modernes et spacieux...c'est un processus qui parait inéluctable, progressif dans So Long My Son, et les personnages en sont d'avantages spectateurs que victimes. A titre personnel je préfère la manière dont Jia Zhangke a exploré le sujet avec A Touch Of Sin et Ash Is The Purest White, d'une manière plus violente plus dramatique et surtout plus soudaine.
C'est sans doute cette sobriété que je reproche le plus à ce film de Wang Xiaoshuai. Pour autant ce ne veut pas dire que le film n'est pas efficace dans la manière où il raconte son histoire: plus qu'une "épopée familiale" le film montre d'avantage de la vie d'un couple qui s'est arrêté à cause d'un terrible accident, et qui ne redémarre jamais vraiment. Émotionnellement c'est extrêmement fort, et c'est difficile de retenir ses larmes lors du dénouement.
So Long, My Son est un film à voir dans tous les cas si vous appréciez le cinéma chinois et qui récompense à coup sûr les 3h investies. Il pourrait quand même secouer un peu plus le spectateur.