Je vais mettre au point tout de suite quelque chose au début de cette critique, ce n'est pas le sujet, infiniment important à raconter, que je sanctionne mais la forme qu'il prend.
Sobibor est un documentaire, qui se rapproche plus du témoignage face caméra, sur un rescapé du camp de Sobibor durant la seconde guerre mondiale. Lanzmann en a parlé un peu dans son film "Shoah" mais voulait faire un film à part entière sur cette incroyable histoire d'évasion de ce camp d'extermination.
Prenez garde, ce film est une torture. Je ne comprend pas comment Lanzmann peut penser une seule seconde que le spectateur puisse être aspiré par ce récit tel qu'il est présenté. Il commence son film par un texte déroulant d'une durée INFINIE, où sa voix off vient alourdir un procédé déjà bien gras. Il enchaine ensuite avec des panoramiques totaux (360° de rotation), puis début du témoignage face caméra et... je me suis endormi. On en avait déjà pour 35 minutes de film.
Je me réveille, 15 minutes plus tard, toujours le même plan, toujours le même temps monocorde et toujours AUCUN cut dans la discussion. Le polonais parle, la traductrice traduit dès qu'il a finit, Lanzmann pose une question, la traductrice traduit, le polonais répond etc... AUCUN MONTAGE pour accélérer et rythmer l'échange. Même les ratés sont gardés !
Je suis mauvaise langue, j'ai comptabilisé deux cuts. Un sur une maquette faite à l'arrache pour tenter de visualiser l'espace de ce qu'il nous raconte et un autre sur un plan extérieur de nuit. Où on ne voit rien...
Je veux bien, qu'il y ai considérations morales de reconstituer au plus proche l'échange, pour ne pas dénaturer ce que dit le seul témoin présent à l'écran (car, chose originale et seule bonne démarche à mon sens dans le film, Lanzmann se concentre sur le récit d'un seul témoin, pour raconter la grande Histoire par la petite de l'individu). Mais, dans ce cas, il faut absolument rythmer ce qui se dit. Un écran n'est pas une personne réelle en face de nous, les sensations d'une discussion ne sont pas du tout les mêmes que dans la réalité.
Il me semble avoir vu "Shoah", et je ne me rappelle pas d'un tel ennui provoqué par les choix de réalisation (ou pour le coup, de non-réalisation). Ça me révolte qu'on fasse quelque chose d'aussi balourd avec un sujet aussi sérieux et important. Surtout quand il termine avec la conclusion textuelle (pour rappeler le début je suppose) où il impose avec le texte et la voix les nombres des déportés vers ce camp selon les trains partant de chaque ville. Procédé qui fait froid dans le dos, donc réussi. On en est donc à deux intentions qui font mouches.
Il faut des documentaires et témoignages de ces événements, un besoin de plus en plus importants avec le temps qui passe et les rescapés qui s'éteignent. Mais pas de cette façon, pas dans une démarche qui demande un effort colossal de concentration au spectateur. C'est impossible de toucher du monde avec cette façon de faire, c'est une négation de narration justifiée sur l'autel d'un naturalisme bien-pensant.
Cette démarche peut fonctionner, mais sur 20 minutes. Là, le film fait 1h35. Pas un hasard si j'ai justement décroché au bout de 25 minutes.