Steven Soderbergh n'a pas vraiment de patte ou de style en particulier, chacun de ses films étant une réinvention de lui-même, une nouvelle expérience n'ayant, pour certaines, rien à voir avec les précédentes, ce qui rend sa filmographie si éclectique et ce pourquoi je l'admire énormément.
Et même si on peut considérer ce film comme étant une seconde adaptation du roman éponyme de Stanisław Lem, passer après Andreï Tarkovski était tout de même un pari risqué, d'autant plus que le film de 1972 est considéré comme un classique. Enfin du moins par une certaine partie du public puisque, d'après Wikipedia, beaucoup de spectateurs de l'époque s'attendaient à un "film de science-fiction classique". C'est-à-dire autre chose qu'une sorte de film d'auteur hollywoodien sur une introspection.
Parce-que oui, "Solaris", c'est un peu ça, c'est avant tout un voyage certes mais un voyage initiatique dans lequel le héros va explorer nombreuses de ses peurs et névroses et affronter son passé de manière assez brutale tout en abordant des questions philosophiques et métaphysiques. Pas tout à fait du "Aliens" du coup mais plus du "2001, l'odyssée de l'espace" dans l'idée ; comparaison pas si déconnante d'ailleurs puisque le premier film des années 70 était censée être la "réponse" russe au film de Stanley Kubrick. Eh oui, la Russie sait aussi faire du cinéma, il fallait bien le montrer !
Ainsi, le film de Tarkovski était particulièrement démonstratif dans sa mise-en-scène et son histoire étalée sur près de trois heures mais le réalisateur n'en avait pas pour autant perdu de vue son objectif principal : la psyché de ses personnages, développée en long, en large et en carré. Ici, la psyché est également particulièrement importante puisqu'elle bien-sûr au cœur du film mais je dirai qu'elle est un peu moins aboutie que dans le premier film. Enfin, elle en donne en tout cas l'impression.
Car cette version américaine traite différemment son sujet, non pas que ce soit mieux ou non, mais c'est par exemple un peu plus frontal dans son approche. Non pas que l'ensemble soit moins subtil, je dirai que le film est peut-être plus accessible ; enfin partant du principe que Tarkovski délivre des œuvres beaucoup plus nébuleuses.
Néanmoins, j'ai plus ressenti de poésie dans cette version. Notamment grâce au scénario mais surtout la mise en scène qui sublime chaque moment introspectif du personnage principal mais également de sa compagne. Car oui, la phrase "être ou ne pas être" n'a jamais été aussi vraie qu'ici. Par exemple, est-ce qu'une copie identique à l'originale avec les mêmes souvenirs peut être considérée comme une même personne ? Question que nous avions déjà dans la première version bien-sûr mais ici poussée jusqu'au-boustiste.
Concernant le casting, les prestations de George Clooney et Natascha McElhone sont tout simplement excellentes et viennent sublimer ce scénario ô combien complexe.
Ainsi, si j'avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans cette version de "Solaris", je me suis ensuite assez vite laissé emporter pour n'en ressortir qu'à la toute fin, émerveillé par ce que je venais de voir.