Mon deuxième film de Ralph Nelson. J’avais vu auparavant La Symphonie des héros, film de guerre (terme un peu abusif dans ce cas-là mais nous nous en contenterons) bien sympathique de la fin des années 60, profondément ancré dans un classicisme plutôt maitrisé. Soldat Bleu, j’en entends parler depuis un bout de temps. J’attendais donc une sorte de réquisitoire dramatique à la Samuel Fuller, ou quelque chose comme ça.
D’emblée, ce qui frappe, c’est le changement de style. En deux ans, Nelson a évolué du classicisme vers le Nouvel Hollywood. Le film s’ouvre sur une balade mélancolique assez agréable laissant entrevoir des plans des grands espaces américains. On sent le film qui recherche donc la liberté. Plus tard, un autre élément qui choque est la violence. Le Soldat Bleu est un film assez violent. Vers le début, une conversation entre deux amis est stoppée net par un coup de feu en pleine face que se reçoit l’un des protagonistes. C’est montré sans détours. D’ailleurs ça me rappelle une scène similaire dans Outrages de Brian De Palma. Tout le film possède ainsi des pics de violence assez intéressants, héritant complètement des nouveaux standards imposés par Arthur Penn et Sam Peckinpah.
Néanmoins, le film se dirige rapidement vers autre chose : la majeure partie du film n’est pas composée d’un réquisitoire dramatique mais bel et bien d’une échappée folle de deux jeunes personnes en plein territoire Cheyenne. A nouveau, on comprend que le film s’inscrit totalement dans son époque et se retrouve finalement quelque part entre Bonnie & Clyde d’Arthur Penn ou Boxcar Bertha de Martin Scorsese. C’est un cinéma assez épris de liberté qui ne refuse pas l’humour ou la légèreté, par ailleurs. Cependant je dirais que c’est peut-être là où le film se perd un peu, en tirant trop sur un léger pas forcément toujours bien maitrisé, ce qui lui fait perdre en efficacité. On se retrouve parfois pris entre des moments un peu ennuyants ou vains, et d’autres franchement beaux.
Si le film est connu, je pense que c’est surtout pour son dernier tiers. C’est peut-être là où le caractère léger du film prend son importance aussi : contraster avec la fin. Détaillant le fameux massacre des Cheyenne de Sand Creek, Le Soldat Bleu dynamite ici ses propres limites : il ne se refuse aucune violence, aucune horreur. Il en arrive un tel point où ça n’est même plus très violent : ça devient barbare. Les tuniques bleues sont barbares. Ils violents, tuent et démembrent. A nboter d’ailleurs qu’en France, le film est interdit aux moins de 16 ans. Manquant parfois un peu de subtilité, l’image n’en reste pas moins très forte pour un film de 1970, hautement contestataire, et sortant en pleine guerre du Viêt-Nam. D’ailleurs, cette scène d’attaque complètement démesurée sur un petit village rappelle, avant l’heure, Apocalypse Now et sa légendaire attaque d’hélicoptères sur le petit village Vietnamien.
Soldat Bleu est aussi plutôt bien réalisé. Il y a de beaux plans, un rythme qui se suit, et surtout une vraie cohérence dans la réalisation par rapport aux enjeux de l’écriture. Cependant, sûrement à cause du changement de style, l’ensemble est moins homogène que le classicisme de La Symphonie des héros. Il y a des moments inégaux mais aussi des imperfections techniques. On notera par ailleurs une nuit américaine très peu crédible. Dommage, car le cinéma des années 70 se permet justement bien plus qu’auparavant d’aller filmer de nuit en extérieur.
En reste un film sans doute culte au sein des années 70 pour son final. Cela dit, c’est aussi un film qui se suit agréablement, constamment à la recherche de liberté, s’inscrivant parfaitement dans un immense changement cinématographique notamment basé sur une révolution sexuelle et une révolution de la violence. A voir, je pense.