Ce film (2h03) tourné en Dalmatie à l'automne 2014, se divise en trois parties de durées assez équivalentes, chacune tournant autour d’une passion amoureuse. Nous sommes dans une belle région (voir certains paysages) marquée par une histoire récente tumultueuse (à l’image d’une passion amoureuse), à savoir l'actuelle Croatie et l'ex-Yougoslavie. Ces histoires se succèdent de façon chronologique, avec 10 ans d'intervalle à chaque fois, la première située en 1991. Inutile de s'appesantir sur les dates probablement très significatives pour le réalisateur (Dalibor Matanic), parce que si l'Histoire de la région transparait en filigrane du film, celui-ci peut être apprécié malgré des souvenirs très flous d’une actualité compliquée. Ce qui intéresse Matanic, c'est de montrer que nul ne peut s'affranchir de ce qui agite les esprits. En clair, l'innocence de l'amour se heurte régulièrement à la réalité véhiculée par l'entourage familial et les soubresauts du destin. Tout cela se manifeste par le conflit qui déchire serbes et bosniaques. Et même si on ne voit que quelques soldats (armés, pas seulement pour impressionner) et des véhicules militaires, la tension est bien réelle. Autre particularité du film, les jeunes et peu expérimentés Tihana Lazovic (la fille) et Goran Markovic (le garçon) incarnent les personnages principaux de chaque histoire. Si cela surprend (10 ans qui passent d’un coup, ce n’est pas anodin), cela produit de l'effet. Et comme les situations sont différentes, le spectateur se dit que ces deux-là sont vraiment faits pour tomber dans les bras l'un de l'autre, bien qu'à chaque fois le garçon soit croate et la fille serbe.


Dans la première partie (1991), Jelena et Ivan au bord d'un lac magnifique envisagent de partir à la ville car leurs villages, bien que voisins, appartiennent à des clans hostiles. Ils ont l'insouciance de la jeunesse, bien rendue par des paysages lumineux et magnifiques. Jelena est radieuse, pleine de vie et taquine. Ivan, charme slave, joue le jeu. Ils ne réalisent pas à quel point la guerre qui fait déjà rage dans la région va influer sur leur destin.


Dans la seconde partie (2001), le conflit a fait des dégâts (matériels et humains). Natasa la serbe vient habiter avec sa mère dans une maison délabrée qu'Ante (jeune croate), les aide à retaper. La mère (inconsciente et pas psychologue pour deux sous), pousserait bien sa fille dans les bras du jeune homme. Furieuse, Natasa s’isole avec sa musique (casque sur les oreilles). Mais on n'échappe pas à son destin, car entre Natasa et Ante, le charme opère progressivement. A mon avis, on tient ici le meilleur du film, avec Natasa qui refuse Ante par principe, mais qui ne peut que le côtoyer (il lui demande de l'aide pour déplacer des planches vers l'étage supérieur) et l'observer (quand il rabote ses planches). Belle idée de cinéma avec le petit jeu consistant à produire des bruitages pour accompagner les mouvements du rabot, le désir d'agacement étant la manifestation première du désir tout court. Mais si le désir est irrésistible, rien ne peut effacer le passé.


Quant à la troisième histoire (2011), elle montre les retrouvailles entre Marija et Luka alors qu'ils sont déjà séparés, leur attirance n’ayant pas résisté à la réalité des conflits. Les retrouvailles sont tendues (voir le visage fermé de Marija). Néanmoins, c'est le seul épisode où la fin laisse entrevoir une lueur d'espoir, car on sent l'amour toujours présent.


La pression exercée par l'entourage sur ces amours est le reflet (marquant) de ce que le réalisateur se souvient avoir entendu de la bouche de sa grand-mère « Tant qu'elle n'est pas l'une des leurs... » parlant d'une femme sortant avec un homme de sa famille. Grand-mère pour qui il éprouvait une grande tendresse...


Le titre français est bien trouvé car le soleil resplendissant du premier épisode symbolise parfaitement cet amour qui se croit tellement fort que rien ne peut le contrarier. Mais si l'expression Soleil de plomb évoque une chaleur écrasante (voire insupportable), le mot plomb ne peut qu'évoquer les balles meurtrières des fusils. Le réalisateur a donc fait des choix qui donnent charme et personnalité au film. Une image superbe pour la première partie où la caméra capte bien les mouvements et l'insouciance de cet amour encore neuf, puis les moments de tension. En mettant en scène le même duo d'acteurs pour chaque histoire, le réalisateur donne une belle unité à ce qui pouvait tourner au film à sketches. Il montre trois moments différents d’une relation sentimentale, avec les difficultés inhérentes. Si le bon sens populaire dit que les amoureux sont seuls au monde, Dalibor Matanic rappelle que tout amour demande à être reconnu. Alors commencent les difficultés et il faut beaucoup de courage et de présence d'esprit pour composer avec ce que chacun véhicule (l'entourage direct, les clans, etc.) Le point faible du film vient du fait que le réalisateur se contente de quelques repères temporels trop vagues pour un spectateur peu au fait des aléas du conflit entre serbes et bosniaques. Un conflit passionné entre deux clans qui ne supportent plus la cohabitation.

Electron
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le 10 avr. 2016

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