En voilà un western original et atypique ! Prenant racine quelque part entre le genre américain alors dans sa mouvance crépusculaire et sa déclinaison italienne version spaghetti le tout saupoudré de jidai-geki, le film met en scène un cow-boy ainsi qu'un samouraï qui vont devoir s'associer tant bien que mal afin de traquer un voleur. L'Ouest sauvage qui rencontre le pays du Soleil-Levant c'est avant tout une pure idée de cinéma. L'incarnation d'un dialogue perpétuel entre Occident et Orient, entre western et chanbara, entre le cinéma de John Ford, celui d'Akira Kurosawa ainsi que celui de Sergio Leone ou de Clint Eastwood. Un film hybride en somme qui se drape d'un casting légendaire puisque se partagent l'affiche - excusez du peu - Charles Bronson, Toshirô Mifune et Alain Delon. Rien que ça !
Bronson est à cette époque une icône montante notamment grâce à son rôle dans Il était une fois dans l'Ouest sorti en 1968. Mifune est de son côté une vraie légende vivante du cinéma célèbre pour ses collaborations successives avec Kurosawa. Les Sept Samouraïs ( 1954 ), Yojimbo ( 1961 ) ou bien Sanjuro ( 1962 ), il est largement l'acteur japonais le plus connu à l'international et souvent comparé à John Wayne pour son charisme et sa présence physique. Enfin Delon est sans aucun doute l'un des plus grands acteurs français et une vraie star européenne, enchaînant les succès tels que Le Samouraï ( 1967 ), La Piscine ( 1969 ) ou Le Cercle Rouge ( 1970 ). Une rencontre de titans dont le potentiel scénographique et jubilatoire n'est malheureusement jamais pleinement exploité, la faute à une écriture qui ne dépasse jamais réellement son postulat et à une réalisation qui manque d'envergure bien que restant très fonctionnelle. Derrière la caméra il y a tout de même Terence Young à l’œuvre sur plusieurs opus de James Bond avec Sean Connery. Sa mise en scène sobre et classique ne parvient jamais à transcender les décors désertiques de la région d'Almeria en Espagne qui en deviennent quelque peu monotones. Il est à contrario nettement plus à l'aise dans les séquences d'action, que ça soit l'attaque de train initiale ou la fusillade finale tendue dans le champ de bambous. Voir Mifune se battre au katana face à des Comanches et leur lancer des kunai avec une précision chirurgicale c'est quand même pas mal du tout en terme de plaisir cinématographique. Citons aussi le moustique tranché au sabre. De la vraie bonne générosité de série B comme on l'aime.
Terence Young retrouve aussi dans ce film Ursula Andress toujours aussi séduisante pour l'instant charme en prostituée qui sait ce qu'elle veut et prête à tout pour survivre. Elle finit par ailleurs dévêtue ce qui devait être le fantasme de chaque spectateur l'ayant découvert dans Dr. No. Foutu bikini blanc, enfin justice est faite !
La cohabitation forcée entre Bronson et Mifune est riche en péripéties et en situations cocasses. Passant par tous les états, leur relation est presque celle d'un buddy movie avant l'heure. Devant le stoïcisme et le sens de la justice du japonais, Bronson est plus détendu et roublard. Voleur rempli de préjugés il va petit à petit dévoiler sa compassion cachée sous une avidité et un pragmatisme de façade dans une séquence finale vraiment très belle. Les deux hommes représentent également les deux faces d'une même pièce symbolisant la décrépitude de modèles dépassés et déclassés par la modernité de leur époque. En 1860 est dépêchée la première ambassade japonaise aux Etats-Unis par le shogunat Tokugawa. Le pays s'ouvre et n'a plus besoin de ses antiques guerriers féodaux. De même la figure du cow-boy est vouée à disparaître avec la fin de l'Ouest sauvage.
Delon est quant à lui savoureux dans son rôle de bad guy absolu, un salopard sadique et cruel dont le personnage est cependant un peu effacé par le duo précédent.
Niveau déception il faut signaler la bande originale de Maurice Jarre qu'on a connu beaucoup plus inspiré. Le thème principal est assez répétitif et le compositeur se contente ici de singer Ennio Morricone sans jamais capter la puissance émotionnelle ni le lyrisme de ses compositions.
Soleil rouge n'est en définitive de loin pas le plus grand western de tous les temps mais il mérite tout de même le visionnage. Cette proposition de série B assure l'essentiel et bien que souffrant de longueurs elle demeure agréable et sympathique.