Richard Fleischer ancre son œuvre d’anticipation dans une morbide perception de la réalité. La fiction s’impose comme le support parfait qui permettra de questionner sur le présent. Relativiser constitue la meilleure démarche envisageable, afin de convaincre une audience têtue ou ignorante. Si la vérité assume pleinement l’état d’esprit de l’auteur, ce sera pourtant en amont de cette dernière que l’on trouvera matière à débattre. La surpopulation constitue un réel enjeu qu’il faut traiter avec rigueur et crédibilité. Et c’est sur cette frontière brumeuse que l’on se place afin d’étudier l’origine d’un complot, à la fois politique et industriel.
La satire axe son discours, dans un premier temps sur l’ère industrielle et son impact ambigu sur les consommateurs et l’environnement. Des images fortes défilent, où les machines monopolisent le paysage urbain. C’est à travers ce regard méfiant que l’on s’abstient de se réjouir pour une population qui semble hériter d’une utopie instable. Les canicules s’enchaînent, les ressources se font rares et la liberté est quantifiée au détriment du Soleil Vert, solution alternative qui dirige le peuple. On ne fait plus la différence avec ce qui est bon ou mal, on se contente de survivre et c’est ce que Charlton Heston, dans le rôle du détective Robert Thorn, cherche à comprendre, à travers la masse brumeuse de cette société qui se déshumanise. La littérature se perd, la culture se perd et l’amour se perd. Tout ce qui nous rattache à la vie manque de présence et à juste titre, afin de conforter le propos de l’œuvre d’origine, respecté avec fidélité.
On en vient alors à percuter sur le concept de la mort qui rôde, telle la grande faucheuse. Il règne un climat sordide où le recyclage de la vie est plus que compromis. On amorce le récit par un crime qui soulèvera de nombreuses pistes de réflexion. Ce choix de narration aura beau se montrer peu audacieux, sachant tout ce qui se fait en termes d’intrigue policière des années 70, mais cela alimentera davantage la douce et amère révélation. Nous suivons astucieusement Thorn pour qui le modèle de vie nous rapproche de sa vision. Nous, spectateurs sommes symboliquement mis à l’épreuve. Entre l’expérience du passé et le développement du présent, nous arrivons à un compromis éthique qui saura éveiller notre attention.
Les valeurs qui se rattachent à la vie, l’environnement et la nourriture sont magnifiquement exploité, avec l’esthétique qui convient dans « Soleil Vert ». Fleischer n’a pas hésité à jouer avec nos émotions en nous donnant une issu en une magnifique scène de bonheur pur. Si ce décalage avec le drame peut perturber, il s’agit davantage d’un coup de génie, car si nous avions besoin de nous rassurer, il existerait des images pour atténuer la douleur que l’on peut éprouver au dénouement du complot pour la survie de l’humanité.