Bon sujet, mais traitement assez consensuel

Le voilà, le fameux Soylent Green. On m'en avait parlé si souvent... Et après l'avoir vu, j'y ai vu une oeuvre intéressante, mais je reste cependant assez mitigé quant à l'aspect "monumental" de l'oeuvre, et pour une fois, je suis en plein dans la Gaussienne.

Dès les premières minutes, on apprécie (ou pas) l'aspect délicieusement Kitsch des films des 70's, avec ses dialogues kitsch et ses "gueules" qui crèvent l'écran, ou ses cadrages typiques de l'époque, qui s'incrustent dans la rétine avec une persistance toute cinématographique. Mais on remarque aussi les décors très travaillés, terriblement efficaces pour instaurer une ambiance de bonne qualité. Une ambiance tournée d'ailleurs vers une dystopie suintante, étouffante, qui crève l'écran et qui perdurera sans problème jusqu'à la fin du film. Une fin aussi symbolique qu'ouverte, puisqu'on l'évoque. Elle saura au moins éviter le côté outrancier et navrant de la plupart des production Hollywoodienne de l'époque. Côté distribution, on va affirmer sans soucis qu'elle est de haut vol, avec un Charlton Heston et un Edward G. Robinson qui illuminent la toile de l'écran. C'est donc un film agréable à regarder, qui vous murmure un peu de science fiction aux oreilles avec cette patte toute Hollywoodienne de l'époque: théâtrale et un brin consensuelle.

Alors qu'est-ce que je lui reproche ?

Concrètement, de rester dans les clous. Malgré l'aspect engagé et subversif du scénario, le film ne m'a jamais convaincu ni immergé par sa portée ou sa réalisation.
Sans spoiler, je trouve que le film survole son sujet et ne déstabilise jamais vraiment le spectateur en repoussant la limite du politiquement correct. La fin, évidemment, ne laisse pas indifférent, mais constitue en fait le seul rebondissement de taille du film. Le scénario aurait donc pu être plus travaillé. Assez fréquemment, j'ai été marqué par le manque de finesse dans l'écriture autant que par le manque de rythme, et les quelques twists, notamment le final, se voient arriver comme le nez au milieu de la figure. On n'est jamais bousculé ou complètement pris dans l'intrigue, qui reste dans les sentiers balisés. C'est dommage, car le début du film paraissait prometteur avec une mise en place de la trame intéressante ET moderne !
Et puis la réalisation datée et caricaturale ne rend pas non plus service à l'oeuvre, qui reste assez médiocre au final et vieilli mal. Je n'ai pas pu m'empêcher de la voir comme on regarde une vieille photo de jeunesse de ses parents: avec un petit sourire amusé et un brin de compassion pour le style vestimentaire. (Mais oui, mais on faisait comme ça à l'époque !)
Dernier point, les second rôles. Pourtant grinçants sur le papier, (les femmes sont considérées par exemple comme des biens mobiliers...) sont plats et sans saveur, à l'image de Leigh Taylor-Young, relégué à celui d'une jolie potiche.
C'est dommage encore une fois, parce que la distribution aurait pu donner une portée impressionnante, comme c'est le cas pour le trop mésestimé "Les fils de l'Homme", d'Alfonso Cuarón, qui lui par contre vous gifle méchamment l'arrière du crâne avec des seconds rôles mémorables. Ici, les acteurs principaux tiennent le film à eux seuls, et c'est un peu léger comme argument de vente.

J'ai donc terminé le film par une violente envie de lire le livre d'Harry Harrison, "Make Room! Make Room!", dont il est inspiré, pour pouvoir comparer les deux oeuvres. J'espère, y découvrir un sujet un peu plus profond et grinçant, vu que
le film reste un peu trop grand public à mon goût. Un vrai Blockbuster avant l'heure...
Mais il serait malhonnête de ne pas le contextualiser, car c'était le style de l'époque, avec ses moyens techniques autant qu'artistiques. Il reste donc intéressant d'un point de vue critique, car il fait directement référence à la période des Trente Glorieuses, avec l'émergence d'une consommation de masse que rien ne semble pouvoir stopper. L'oeuvre prend donc au moins le parti d'interroger sur les limites et le cynisme d'une consommation aveugle, et lui donne un côté tristement intemporel quand on regarde d'où venaient déjà les regards acerbes d'une partie des intellectuels des années 70. Le côté contrôle des masses, avec la propagande exercée par une multinationale à des fins purement pécuniaires laisse songeur. Bien sur, on reste sur une écriture faite avec de gros sabots, donc les poncifs sont là, (dystopie, revers écologique, soif du pouvoir...) mais ils permettent d'élever un peu le niveau des films de l'époque.
Donc même si je n'ai que moyennement apprécié le film, je le trouve quand même intéressant comme témoignage de la période et comme amorce de réflexion sur le sujet.
Pour finir, je me laisse toujours la possibilité d'être bien retourné par un film de cette période, mais je préfère être pragmatique. Je me retourne plus spontanément vers les écrivains de la tranche 1960-1975, qui me touchent franchement plus et s'inscrivent même comme des références de la Science-Fiction; comme Ray Bradburry, Philip K. Dick, Franck Herbert ou la divine Anne Mc Caffrey.
amjj88
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le 22 mai 2014

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