On savait Fatih Akın turco-allemand et assez à l’aise pour réaliser des films bilingues et biculturels. Mais il était loin d’être gagné à l’avance qu’il sût faire un film italien en Italie. Une entreprise d’une pureté formidable que la production allemande n’a pas compris, insistant pour qu’il y eût une version entièrement doublée en allemand. Gné ?
Pourtant, c’est bien l’italien qui est est à son avantage, éclaboussant de couleurs chaudes une image généreuse. La première partie est incroyable, fondue dans la masse d’une vie italienne qu’Akın n’avait aucune raison de connaître (pour autant que je sache) et qu’il restitue pourtant on ne peut mieux. Comme je viens de le dire, le commerce cinématographique est souvent frileux quant au franchissement de la barrière des langues, pourtant c’est la sève du déracinement de cette famille quittant son paese pour un meilleur Land.
Et Akın ne s’arrête pas là : grapillant ses méthodes par ci par là, ni vu ni connu, voilà qu’il fait passer son intrigue dans le nuage rose du Flower Power, juste le temps de l’humecter de ses goutelettes magiques avant de pénétrer dans l’âge adulte des eighties. Les transitions sont chaotiques, pourtant : nous aussi, on est déracinés quand les années passent 10 par 10, et il manque le liant pour adoucir les à-coups. Dans les épisodes successifs des vies que l’on suit, il n’y a pas forcément la recréation de toute leur symbolique ; les joies et les peines d’une époque sont vite reléguées…
Quoi qu’il en soit, Akın reste fort louable pour les détails qui mettent du baume au cœur, ces « points chauds » qui font de ses créations des merveilles de psychologie divertissante. Ce n’est pas Solino qui le démentira, et l'artiste reste à suivre.
Quantième Art