Cela devait être une déroute à la Justice League, un véritable naufrage. C'était sûr : même sa date de sortie avait été avancée, comme si on voulait s'en débarrasser le plus vite possible. Les premiers avis cannois le confirmaient : c'était nul et non avenu. Mais depuis quand Cannes s'y connaît en matière de cinéma ?
On trouvait les dernières preuves du massacre dans le passage de témoin à un Ron Howard jugé transparent par les plus cyniques. Tout comme les déclarations des évincés, abondamment relayées, ou les rumeurs concernant son interprète principal et sa prestation calamiteuse. La mesure et les jugements à froid ne sont pas les vertus les plus évidentes de la critique 2.0, qu'elle soit professionnelle ou amateure.
Parce que Solo : A Star Wars Story, s'il n'est pas exempt de défauts, se regarde cependant avec un plaisir non feint. Car l'entreprise tient debout malgré tout : surtout les changements d'orientation et de réalisateur. Surprise, il se digère même mieux que Les Derniers Jedi qui, si ses fulgurances graphiques et de montage enchantaient, affichait un rythme assez aléatoire dans chacun de ses arcs narratifs. Solo redresse la barre de ce point de vue et constitue un film de grande consommation carré, solide et agréable.
Oui, la première partie semble heurtée, les transitions étant assez abruptes, mais on ne s'ennuie à aucun moment car Solo alterne les genres avec malice dans une action soutenue qui, si elle n'apporte rien de révolutionnaire à la saga Star Wars, n'en conserve pas moins l'esprit, la dynamique, ou encore l'apport du classique droïde, mais envisagé cette fois-ci d'un oeil neuf, presque émouvant et revendicatif, même si ce nouveau spin off semble faire comme un pas de côté. La photographie est plus grise, plus terreuse. Il fait même penser au spectateur qu'il afficherait un peu moins d'ambition.
Mais le film conserve la richesse de l'univers créé par George Lucas, s'avère toujours aussi varié, à l'image des séquences purement western, les courses poursuites, les morceaux de film de braquage, surtout ferroviaire ultra dynamique, et de filouterie qui se succèdent à un rythme échevelé. Alors, à moins que le masqué ait inconsciemment baissé son niveau d'exigence afin de ne pas être trop déçu, Solo, malgré ses multiples avatars, offre tout ce que le spectateur est en droit d'attendre, sans s'écrouler comme un château de cartes sous le poids de son héritage, des carcans de sa production made in Mickey, systématiquement décriée et de ses errements.
Même s'il faut bien avouer que tout n'est pas rose et que celui qui a payé sa place relèvera très facilement que certaines sous-intrigues ont un peu de mal à se greffer sur l'histoire du hors-la-loi le plus cool de la galaxie, que certains personnages sont sous-exploités ou retirés un peu trop vite de l'image. Mais ce qui est peut être le plus dommageable à ce Solo, et qui m'empêche de faire grimper la note sur Sens Critique, c'est le manque de charisme assez cruel de son interprète. Car si Han Solo demeure cool, désinvolte et risque tout, il laisse cependant une drôle d'impression à l'écran. Comme si Alden Ehrenreich peinait à dégager quelque chose, une aura. Même s'il se heurte à l'interprétation d' Harrison Ford, passée à la postérité, c'est quand même un petit peu un comble avec un tel nom en guise de titre d'un spin off Star Wars, soit tout simplement sur l'une des figures les plus emblématiques du genre space opera.
Solo reste cependant un film tout à fait fréquentable, frais, léger, dépaysant et portée par une bande originale du feu de dieu, donc loin de la catastrophe annoncée et anticipée par les esprits chagrins, ceux qui ont la mémoire courte et qui ne se souviennent déjà plus, ou ré-évaluent de manière incompréhensible, les faibles Episode I et II d'une saga qu'il devient de bon ton d'égratigner dans sa reprise en main par la vilaine souris.
L'hypocrisie et le radicalisme sont donc, à l'évidence, les principales vertus de la critique 2.0.
Behind_the_Mask, qui, comme soeur Han, ne voit rien venir...