Pas de spoil visible dans cette critique, sauf ce qu'il y a dans les bandes annonces.
Solo s'était inscrit de lui-même dans la catégorie des films mineurs. Ayant souffert d'énormément de problèmes de production : deux réalisateurs virés, des réécritures, des rumeurs de problèmes de jeu d'acteurs, le film s'annonçait comme une catastrophe industrielle. La promotion fut discrète, jusqu'à récemment du moins. Pourtant le film n'est pas l'infâme bouse annoncée. Il s'agit juste d'un film moyen, un film mineur de Star Wars, qui ne prétend pas à autre chose, un spin-off, un bonus, un à côté, un encas, la pause goûter, à l'ambition modeste.
Je n'attendais rien de ce film, tout au plus je voulais connaître la rencontre de Solo et Chewbacca et la rencontre avec Lando, deux scènes plutôt réussies d'ailleurs. Sans parler du Faucon Millénium. Sur ce point le cahier des charges est rempli.
J'aurais aimé aussi apercevoir Boba Fett, Jabba, même si les deux personnages cultes de la trilogie originelle ont le droit à quelques clins d'oeil.
A cela s'ajoutent deux-trois surprises, parfois déceptives, mais aussi quelques moments agréables malheureusement assez oubliables.
Ron Howard n'est pas un réalisateur subtil à mon sens ou virtuose, mais il est un faiseur propre et efficace comme dans Da Vinci Code qui finalement a les mêmes défauts : un écrin superbe mais beaucoup de platitude. C'est clairement un cahier des charges, un film de commande, avec très peu de risques, contrairement à l'épisode 8 par exemple. Le film a du rythme, de la dynamique, de l'énergie. Tout va très vite. Le premier tiers du film est carrément enlevé, les scènes d'actions s'enchainent, le début est in media res. Je trouve d'ailleurs que ce premier tiers du film est assez réussi :
découvrir la planète natale de Solo, Correlia, vaste cloaque crasseux où sont construits les vaisseaux de l'empire, le centre de recrutement de l'armée impériale, la guerre menée par l'empire, avec une scène de tranchée réaliste et sale, bien loin des batailles lisses de la prélogie,
des courses poursuites, un bestiaire d'alien sympathique notamment une alien qui rend hommage à la mythique créature de Ridley Scott dans une ambiance à la Blade Runner. Souci, Solo rebondit d'intrigues en intrigues avec des rencontres fruits du hasard ou non, sans que l'on comprenne toujours les motivations des personnages et des autres. Car il y a beaucoup de personnages dans ce film, ce qui est louable mais aussi problématique car le film ne peut répondre à tout.
Le film multiplie d'ailleurs les références aux classiques de la SF : Alien et Blade Runner
dans l'ambiance sur Correlia
, Mad Max dans la course poursuite et les convois, Arakis de Dune
sur Kessel, planète minière d'extraction d'épice désertique, ça ne s'invente pas.
Ron Howard s'inspire aussi du film de genre. Solo est clairement un film d'aventure, dans la lignée des Indiana Jones, là encore pas de hasard, mais c'est aussi un film de western et de gangster qui pastiche les genres plutôt sympathiquement d'ailleurs.
Il ne faut pas oublier non plus les références à l'univers Star Wars, même si ce film en est clairement le plus éloigné, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient. Une bataille de vaisseaux, des easter eggs à foison :
allusion à Jabba, à Bossk, à Boba Fett,
des courses poursuites en speeder et motos de l'espace, tout un tas de personnages connus ou moins connus, le retour d'un personnage iconique - retour raté selon moi, même gênant ; l'univers de la saga est considérablement élargi avec ce film qui multiplie les ponts et les passerelles. Loin de l'intimité très déceptive de l'épisode 8 ou de la focalisation de Rogue One sur un moment précis, le film sur Solo explore et part dans tous les sens. La prélogie, la trilogie originelle et la nouvelle trilogie ont le droit à des allusions.
Les couteaux lasers des gardes de Snoke par exemple, les dés de l'épisode 8 (qui seraient aussi dans l'épisode IV apparemment), élément sans grand intérêt à part pour créer un lien affectif un peu faux, dés pipés j'ai envie de dire et le caméo de Dark Maul.
On trouve bien entendu la fameuse partie d'échec dans le Faucon, des instants musicaux évocateurs, des scènes de cantina, entre autres.
Il y avait bien entendu des grands attendus : la rencontre entre Chewie et Solo.
Bien amenée, dans le contexte des guerres impériales. Solo, insubordonnée, bleusaille de fantassin au service de l'empire, refuse d'obéir. On le balance dans une fosse où une bête l'attends. C'est Chewbacca. Rapidement les deux compères s'échappent dans un rebondissement assez comique et bien amené.
Scène très sympathique mais si vite expédiée, on peine à comprendre leur amitié. S'ensuit une course poursuite sur un train, classique des western qui ravira aussi les fans de l'univers étendu et des jeux vidéo (Shadow of the Empire), là encore, scène d'action assez sympathique. On enchaine avec la rencontre entre Lando et Solo. Donald Glover crève l'écran, comme annoncé. Son personnage de cabotin et de dandy chic détonne. Les fameuses parties de sabaak sont savoureuses mais trop brèves et baignées dans une luminosité faiblarde, lugubre même. Ces deux moments de la vie du jeune Solo sont donc intéressants et bien amenés mais bien trop rapides !
D'autres sont inattendus et dispensables :
origine du nom de famille,
romance avec Emilia Clarke (Qi'ra), une Daenerys bis. L'actrice ne parvient jamais à sortir de son rôle de Targaryenne.
Elle semble toujours la mère des dragons, à l'image de son lancer de détonateur dans le désert, qui fait invariablement penser à l'incendie de l'armée des Lannister par ses dragons dans Game of Thrones.
Sa romance avec Solo, sans être niaise, est un peu plate. Alden Ehrenreich est plutôt convaincant. Sans être mémorable il ne fait pas honte à Harrisson Ford, c'est déjà ça. Il parvient à capter une partie de ses mimiques et expressions. Le reste du casting et des personnages font l'affaire. On notera des seconds couteaux oubliables mais sympathiques, un méchant en revanche très en deça des attentes.
Seule l'ombre de Maul qui plâne via son organisation "Crimson Dawn", nom de syndicat du crime qui envoie du pâté, lui donne un peu d'épaisseur.
L'autre méchant est également gâché par la révélation de son identité, qui casse tout son design impressionnant. D'ailleurs on ne comprend pas les enjeux de ce dernier et de certains personnages. Tout va bien trop vite. Ils sont là pour faire l'action et dérouler le scénario, c'est le sentiment qui en découle, et rien d'autres. Plus encore, les personnages n'évoluent pas. Solo reste arrogant de bout en bout, certes il évolue, il se rend compte que ses choix ont des conséquences, il passe de la naiveté au cynisme mais c'est tout. Qi'ra ne change pas, Lando non plus et Chewbacca est carrément mis de côté à certains moments. Le personnage de Solo est combinard, magouilleur, menteur et culotté. D'origines modestes, il est finalement le héros le plus ordinaire, le plus humain de la saga, truffé de défauts mais héroïque. Le film met bien l'accent sur ce qui fait le sel de ce héros sans pour autant parvenir à lui donner une épaisseur considérable. Pire encore, le personnage perd de son aura mythique.
Des scènes sont carrément confuses, notamment dans la seconde moitié du film où l'action est parfois peu lisible et où le scénario, pourtant écrit par Lawrence Kasdian himself et son fils, est trop prévisible. On sait le sort des personnages, d'autant plus que la suite du récit on la connaît déjà, et les multiples twists et trahisons, propre aux films de gangster, n'arrivent jamais à déboussoler totalement. Le personnage le plus prévisible étant très certainement Qi'ra. Un personnage de femme fatale intrépide et testosteronée lambda. Les noeuds de l'intrigue sont visibles à des kilomètres hormis une révélation finale.
Sur Kessel, la libération des esclaves frôle la niaiserie, c'est bis repetita, la rencontre avec des Wookyes m'a fait croire qu'on découvrirait la famille de Chewbacca, ils n'ont pas osé, fort heureusement. Le droide de Lando, L3, est un droide féministe et progressiste. Intéressant, mais sa relation avec Lando est étrange car mal amenée et finit par faire flop dans une scène d'action qui s'éternise bien trop. Heureusement, la course poursuite qui s'ensuit, dans l'espace, avec l'empire, dans le maelstrum de Kessel, racontant le fameux raid de Kessel en 12 parsecs, est elle très réussie avec l'empire de retour, quelques tie fighters, deux trois frissons, du dantesque, bref ce qu'on aime et elle rappellera invariablement L'Empire Contre Attaque.
La fin, ouverte, est décevante. Elle s'éternise même,
entre des retrouvailles et des adieux à Ki'ra niais et
avec un affrontement assez nul avec le méchant du film Driden Vos, sorte de sous-Jabba humain, crapuleux mais policé. Dommage, le design de son yacht de l'espace, tout en hauteur, avait du style. Sa salle d'armes, remplis d'objets étranges et d'easter eggs donnait envie. Plus encore, cette fin laisse la possibilité à d'autres spin off de voir le jour, l'univers de la contrebande dans Star Wars étant infini, elle n'enterre pas de nombreux personnages et laisse place à de nombreuses questions. L'apparition d'un personnage emblématique de la saga, elle aussi, arrive comme un cheveux sur la soupe et fait carrément du fan service grossier. À la limite du WTF.
Dark Maul est dans l'esprit du grand public, mort dans l'épisode I. Outre le fait que c'est la deuxième fois qu'Obi Wan finit mal son travail après avoir laissé survivre Anakin, c'est pour le spectateur lambda, étrange et confus et c'est surtout une promotion de toutes les séries Clone Wars et Rebels, une invitation carrément forcée à tout regarder, à consommer encore plus Star Wars. Plus encore son apparition est laide, dans un hologramme mal fichu où on voit un Dark Maul vieillit et joufflu avec un sabre laser double et des jambes bioniques. Ils se sentent obligés de lui faire agiter son sabre pour qu'on comprenne bien qui il est, tellement ça ne coule pas de source. C'est certes le même acteur mais c'est moche, vraiment.
Le film, comme Les derniers jedis marque le crépuscule des idoles. Han Solo, héros mythique, icône absolu n'avait pas besoin qu'on raconte ce qu'il était. Il est un side kick, un personnage qui se suffit en lui-même. Son passé mystérieux l'auréolait de mystère. Dans l'épisode 7, JJ Abrams l'avait compris et faisait réapparaitre Solo 30 ans plus tard, avec de nouveaux éléments mystérieux. L'épisode 8 s'échine à tout raconter, à tout casser et le film Solo le fait aussi puisqu'il raconte quelque chose de dispensable, expliquant tout du personnage, le moindre détail de sa tenue prenant du sens, effritant le mythe, et ce fut lassant.
Et c'est cela dont souffre le film, d'un essoufflement, d'une lassitude. Du Star Wars à toutes les sauces. Certes on apprécie toujours l'univers et ce d'autant plus qu'on en découvre de nouveaux aspects, le film n'est pas honteux mais il est un peu vide, vain. Les personnages et l'intrigue sont trop plats pour susciter l'émotion - ce que réussit l'épisode 8 par exemple. La musique est plutôt sympathique, elle capitalise sur les anciens thèmes et parvient à installer une ambiance, bien qu'elle soit un peu trop présente et bruyante par moments. Malgré des moments de bravoure et un casting solide et sérieux, malgré quelques touches d'humour, malgré des références sympathiques, le film n'arrive pas à se tailler une place dans le costume trop grand pour lui de la saga. Il restera une oeuvre mineure prisonnière d'un géant. Le hic c'est que visiblement, les producteurs ne veulent pas s'arrêter là et des rumeurs de suite et d'un spin-off sur Lando sont de plus en plus insistantes, aie !
Parfois, plutôt que de s'infliger un sous-Star Wars, il vaudrait peut-être mieux embrasser un Wookye, ça sera bien moins oubliable !