Comment parvenir à juger un film inachevé dont seulement 37 minutes ont pu être tournées ? Ben, en se contentant de se baser sur ce que l'on a et en passant à côté des inévitables trous scénaristiques.
Je ne vais pas répéter la page Wikipédia de l'œuvre. Celle-ci travaille très bien toute seule pour ce qui est de mettre en lumière les circonstances mythiques qui ont amené à ce que le film ne soit jamais terminé.
Bon, le peu que l'on a donne sérieusement envie. George Cukor n'était pas un manche pour ce qui était d'insuffler de l'élégance dans la mise en scène et de tirer le meilleur de ses acteurs et actrices. D'ailleurs, le fait que le tournage aurait dû reprendre en octobre 1962 (si entre-temps Marilyn n'était pas allée dans l'autre monde !) avec Jean Negulesco (bon réalisateur pour livrer des films noirs en noir et blanc, prenants, parfois étranges, mais calamiteux quand il torchait des comédies en couleurs, souvent bébêtes, d'un rythme lymphatique et avec un visuel d'une laideur incroyable !) aurait peut-être fait baisser la qualité d'ensemble. Mais bon, on ne le saura jamais.
Pour en revenir une bonne fois pour toutes à ce que l'on a, c'est du très bon. La mise en scène de Cukor est élégante (et avoir Sinatra pour chanter lors du générique de début, plus glamour, on meurt !), comme c'était son habitude donc, et il arrive à tirer le meilleur de chacun de ses comédiens et comédiennes. Même Cyd Charisse, qui était une danseuse exceptionnelle, mais une actrice limitée selon moi, s'en tire avec maestria dans le registre pourtant très difficile de la comédie.
Je dois bien reconnaître que je me suis souvent surpris à rigoler comme si j'étais en train de visionner un film complet, sans tragédie qui plane à l'horizon. Voir Dean Martin comme un poisson dans l'eau en bigame involontaire dépassé par les événements, Cyd Charisse en seconde épouse avec ses problèmes psychiatriques ou Marilyn Monroe prendre l'accent suédois a fait mon bonheur.
D'ailleurs pour la star, j'ai beau avoir vu pratiquement tous les films avec elle, avoir usé comme un fou ma VHS de Certains l'aiment chaud quand j'étais jeune... bref, j'ai beau bien la connaître, j'ai été quand même terrassé par l'aura indescriptible qu'elle dégage à chaque fois qu'elle apparaît. Ce n'est pas pour rien que c'est une légende. Elle n'a jamais été aussi belle, aussi rayonnante, aussi pétillante, aussi splendide. La caméra avait l'air de complètement s'en foutre du Code Hays (alors sous assistance respiratoire !) en révélant beaucoup de son corps. Et le naturel qui étincelle quand elle joue avec des gosses ou avec un chien… C'est une expérience magique qu'il faut voir par soi-même pour comprendre.
Pour les gros frustrés qui voudraient regarder en quelque sorte (si on peut le dire ainsi !) ce film en entier, un conseil, n'allez pas vers la version produite par la Fox peu de temps après avec Doris Day. Elle est poussiéreuse, vieillotte (j’ai eu l'impression d'avoir affaire à des personnes âgées puant le formol sous une jeune apparence, rien à voir avec la fraîcheur du Cukor !), niaise et bien lisse comme une grande partie des œuvres avec cette actrice. Jetez-vous plutôt sur la version d'origine de 1940 (oui, Something's Got to Give est un remake !), My Favorite Wife, avec l'immense Cary Grant et Irene Dunne.
Que dire de plus, à part que j'ai ressenti un gros pincement au cœur lorsque j'ai entendu “Cut”, de la bouche de Cukor, lors de la fin de la toute dernière séquence tournée du film. Une manière symbolique de nous signifier que la réalité a rattrapé ses droits sur la fiction. Adieu Marilyn, mais la pellicule te fera toujours vivre éternellement.