Une blancheur glaciale à perte de vue. Une maison esseulée. Des cordes frappées. Les yeux bleus d'une louve maladive. Théâtre idéal d'un drame familiale.
Après Little Bird et Beyond Sleep, Boudewijn Koole nous offre un récital musical et visuel dont on ne sort pas indemne. Le réalisateur néerlandais dépeint une relation mère-fille où les mots font office de second plan. Tout laisse déjà supposer des tensions entre les deux femmes. La relation est au coeur du sujet, que ce soit avec la mère, le frère beaucoup plus jeune ou un ancien petit ami avec qui la passion se ravive. Roos, interprétée par Rifka Lodeizen, tente de renouer avec une vie qu'elle va pourtant quitter. Elle savoure des derniers instants pleins de saveurs en compagnie de ceux qu'elles aiment. Ce qui fait le drame du film, c'est la difficulté de la protagoniste à révéler son secret à ses proches. Cependant, ce point ci manque un peu de justesse et de promptitude; contrairement à Juste la fin du monde de Dolan qui excelle dans ce domaine. Le traitement des décors est particulièrement intéressant. Il permet de décrire un enfermement dans des immenses espaces. Le destin de la jeune femme est inévitable et l'éblouissante blancheur de ces paysages norvégiens l'engloutissent. Toute la narration s'articule autour d'une musicalité. Soit celle d'un piano soliste, un medley mettant en valeur la relation mère-fille ou l'incroyable sonate de glace du jeune frère. Une subtile mélodie mortelle. Au récit s'intègre des instants photographies, comme pour figer l'instant. L'immergence du spectateur est totale.
Sonate pour Roos renverse et impressionne de par ses nombreuses qualités artistiques. Rien n'est laissé au hasard, et c'est ce qui fait sa force. Le film souffre malgré tout de quelques défauts scénaristiques; le spectateur a des difficultés à saisir certains points de l'histoire pas toujours évidents. On retiendra l'utilisation de la nature comme un personnage central de l'histoire, avec qui Roos partagera sa dernière relation.