Le cinéma du réel cet espace partagé entre fiction ou documentaire engagé, construit sur une vérité de l'instant qui entend saisir à bras le corps un phénomène de société pour mieux le dénoncer ou au contraire mieux le valoriser, est un aspect de plus en plus utilisé par des cinéastes désireux de révéler des situations inconnues ou mal connues du grand public. Rokhsareh Ghaem Maghami s'en empare avec une belle empathie pour raconter le destin incroyable de cette jeune rappeuse afghane émigrée en Iran pour mieux échapper à son funeste destin. Elle suit au plus près le combat de cette guerrière endurcie par sa condition d'esclave moderne à l'adolescence à peine commencée et à la maturité déjà bien entamée.
Une vision assez pessimiste sur le sort des femmes D’Afghanistan, jeunes ou moins jeunes, qui servent de monnaie d'échange aux hommes pour des mariages arrangés et desquels découle une maltraitance déplorable. Un regard également politique sur ce pays ou la reddition de L'URSS et la prise de contrôle américaine de Kaboul sous l'égide D'HAmid Karzai à connu une recrudescence de violence jamais démentie depuis. L'Iran n'est pas épargné non plus, l'éducation féminine étant morcelée et suspendue à des traditions plus ou moins archaïques. Nous suivons donc Sonita revivre un passé familial traumatique, tributaire des aides de son pays d’accueil et de la volonté de sa mère sur les suites à donner à sa carrière. Encadré par un foyer de résilience féministe, elle parcourt les studios d'enregistrement pour parfaire ses textes militants et mettre en ligne ses vidéos.
Scrutée au plus près de son désir et de son énergie, elle fait preuve d'un charisme indéniable. Au point que la réalisatrice outrepassera un temps son rôle d'accompagnatrice pour entrer dans le champ d'action et influer sur son existence. Passage intéressant qui permet de poser la question des limites de ce genre de dispositif et qui interroge avec discernement la frontière ténue entre "faiseur" et "trafiquant" de la capture d'une certaine réalité. Dommage que l'exercice ne soit pas davantage poussé. L'autre reproche majeur consiste en ce que le film construise une "succes story" très balisée qui respecte toutes les étapes du genre: aux doutes et à la rage succède la surprise et enfin la joie d’être prise en charge par une prestigieuse université américaine. Un procédé de montage qui parvient à nous faire douter de l’authenticité de la démarche de l'auteure, bien qu'elle n'élude pas les difficultés inhérentes à cette réussite. Nous sommes évidemment ravis de sa réussite, mais le faux suspense que laisse entrevoir la scénarisation du documentaire dénature notre joie. Des réserves trop importantes pour adhérer complétement au sujet, mais qui ne doivent nullement nous empêcher de prendre conscience d'une telle problématique. Fort intéressant à défaut d’être captivant.