Après l’étouffant The Guilty, limité à un centre d’appel téléphonique, Gustav Möller reste dans la thématique du huis clos pour son deuxième film, Sons, situé dans le milieu carcéral. Visiblement à l’aise dans les espaces fermés, le cinéaste y suit le parcours d’une gardienne de prison, employée modèle et attachée à ses détenus fragiles qui va vriller lors de l’arrivée d’un nouveau venu en lien avec un passé traumatique.
Épaulé par la toujours parfaite Sidse Babett Knudsen, Möller parvient sans difficulté à restituer une atmosphère suffocante et un labyrinthe de béton propice à l’exacerbation des passions noires. La vengeance qui vire au sadisme propose une intéressante réflexion sur les désaccords idéologiques à l’œuvre en termes de gestion des repris de justice : la femme passe ainsi de l’assistance à la répression la plus violente, réveillant en elle des élans qu’elle avait su jusqu’alors réprimer par une résilience qui ne semblait pourtant que passagère.
Le véritable cœur du film réside dans cette auscultation sèche d’un visage opaque qui occupe tout l’écran, et dans lequel on peine à différencier l’étonnement, l’effroi ou la jubilation malsaine. Le silence d’Eva est un miroir de celui de Mikkel, longtemps laissé dans l’ignorance, et dont on excitera le comportement animal à fleur de peau, comme pour confirmer la nécessité de le traiter comme un sauvage indomptable.
L’évolution du récit et le retournement dans la domination fragilise la densité psychologique du dispositif, et tend à systématiser de façon trop mécanique l’inversion des rapports, au risque d’un manque de crédibilité. C’est d’autant plus dommage que l’essentiel était ailleurs, dans un autre double mouvement autrement plus intéressant : celui des confidences d’Eva sur son rapport à son fils et le soulagement qu’elle avait eu à le savoir enfermé, doublé par la suite des révélations sur le lien qui unit Mikkel à sa propre mère : idéalisé sous le regard de la matonne au parloir, démythifié dans la terrible scène de la permission.
D’une certaine façon, la nécessité de rester dans le thriller dilue des enjeux plus profonds, et Möller craint encore de s’y jeter pleinement, alors que son cadre bouillonne d’humanité et de tragédie. De la même manière, le final qu’il propose déplace la catharsis sur des gestes ostentatoires, alors que le silence des ellipses aurait sans doute suffi. Espérons que ses films à venir saurons s’en emparer.