On suit différentes personnes sans plus de liens entre elles que ce pôle high tech où elles résident, et les activités douteuses auxquelles elles s’adonnent comme pour donner un sens à leur vie mais qui soulignent surtout leur désarroi (groupe qui prône la fin de notre monde et l’avènement d’un nouveau, citoyen qui s’organise en milice, pfff). Ça pourrait donner l’impression que ça participe d’une démarche documentaire, hors il n’en est rien, Vernier ne filme jamais la vie de cette cité, il distille des éléments de réel pour arriver à un imaginaire sombre et poétique. C’est bien de notre époque et de notre monde dont il s'agit, chaque situation à ses racines dans un vécu (certaines semblent vraiment trop difficiles à imaginer) mais tout cela est déréalisé, et on se demande jusqu’à la fin où Vernier veut en venir. La cité est sans vie, les habitants sont des figures qui ne s'appartiennent plus, vendues, exploitées, utilisées. Il y a deux personnages au traitement plus classique, les seuls auxquels on peut s’identifier; d’abord la sévère victime d’un incendie qui a toutes les raisons du monde de s'apitoyer sur son sort mais qui ma foi prend les choses du bon côté malgré son visage défiguré, ses oreilles en plastique et ses doigts en moins (un peu le négatif de ce petit monde où de belles femmes se font refaire les seins), et cette jeune fille vers laquelle le film converge, seul personnage dont Vernier nous laisse entrevoir, par une voix off, l’intériorité. Cadres, photos, mise en scène et direction d’acteur sentent la maîtrise, le film est très beau sans jamais être esthétisant. (vu en 2021)