Sorry We Missed You est un drame narratif anglais réalisé par Ken Loach et écrit par son binôme Paul Laverty, son scénariste depuis 1995, distribué dans les écrans français depuis le 23 octobre 2019. Ricky Turner et sa femme Abby vivent ensemble à Newcastle avec leurs enfants et forment une famille soudé. Dans une situation financière compliqué, Ricky devient chauffeur-livreur, en auto-entrepreneur, et Abby est une aide soignante à domicile avec un contrat 0 heure, uniquement payé à la visite. Face à cette charge énorme de travail les enfants, Sébastien et Lisa Jane, sont laissés à eux mêmes et Sébastien commencera à devenir délinquant défiant l'autorité de son père.


Ken Loack, et Paul Laverty, sympathisant marxiste et anticapitaliste consacrent leurs cinémas dans une démarche purement politique : s'intéresser aux laissés pour compte de la société Britanique et porter la lutte des classes en valeur première. Le cinéma est un outil politique qui permet donc d'ouvrir les yeux sur une frange de la population.
Dans ce film il est question du dernier fléau de la société moderne : l'ubérisation de la société avec auto-entrepreneuriat et les contrats 0 heure. L'ubérisation, au nom de l'entreprise Uber, consiste à transformer le salarié en auto-entrepreneur pour mettre en contact les salariés et les clients. Le salarié n'a plus de fiche de paye ou de sécurité sociale mais est payé au service uniquement et est sans protection, ni règle et droit au chômage. C'est ainsi que Ricky Turner travaillera plus de 14 heure par jour, et aura comme seul pause le droit d'uriner dans une bouteille pour maximiser ses courses, et sa femme aussi, devant prendre les transports en commun à ses frais, pour un salaire de misère. Derrière ce sentiment illusoire de liberté avec auto-entrepreneuriat se cache une nouvelle forme d'esclavagisme moderne.


Cette restructuration économique nuira grandement à la famille du film, dernier refuge de Ricky et Abby. Le titre, un avis de passage laissés lors d'une livraison, fait directement référence aux enfants vivants sans leurs figures paternelle et maternelle, qui s’aliènent dans leurs travail, et se faisant vireront dans la délinquance pour le garçon de la famille afin d'attirer l'attention de son père. Ici se joue la lutte binaire entre un travail de plus en plus robotisé et une famille qui tente par tout les moyens de garder leurs liens qui étaient si soudés. A chaque heure passé à travailler ce sera un heure de perdu avec sa famille pour Ricky et Abby qui travaille à un rythme infernal, Ricky en arrivera même jusqu'à lever la main sur son enfant. Le réalisateur lors d'une interview pour Arte, pour son film I Daniel Blake, dira: «Essayer de comprendre le monde, et essayer de raconter des histoires qui reflètent la réalité, c'est la seule contribution que l'on puisse faire». Le but de son film étant de faire «surgir la colère du public» pour lui faire ouvrir les yeux sur une réalité grandissante. Le but narratif du film comme le citera l'acteur Kris Hitchen sera que les spectateurs devront: « poser leurs téléphones et s'interesser à ce qui ce passe autour d'eux».


Le cinéma est donc pour lui est un outil politique et il a une méthode bien particulière pour la mise en forme et la mise en récit de ses films. Pour sa mise en forme, il dira dans une interview:«Je ne suis pas la pour me la raconter mais pour témoigner». Il est fortement inspiré du néoréalisme italien et du free cinéma britannique qui prône un cinéma plus direct et ayant pour idéologie une approche du réel via le cinéma(et non fantaisiste du cinéma, à l'instar d'Hollywood qui endort les masses avec les stars et des scénarios abracadabrantesques et irréalistes). Il est la figure de proue du réalisme social au cinéma.


Dans un premier temps, pour l'écriture du scénario, avec Paul Laverty, ils vont avoir plusieurs entretiens avec des chauffeurs livreurs, qu'ils citeront anonymement au générique de fin, pour s'imprégner de la réalité de leurs quotidien et avoir le regard le plus juste possible sur cette situation. Ancien étudiant en droit, Ken Loach et Paul Laverty, et en philosophie, Paul Laverty, ils mettent toujours en rapport l'individu, et sa famille, face à la notion de travail et tout ce qu'elle implique dans un monde capitaliste et globalisé. Il adopte avec ses récits une façon de défier le récit des puissants car dans ses derniers les laissez pour compte sont les héros de son monde.


Dans un second temps, pour la direction d'acteur il s'entourera uniquement d'acteurs non-professionnel et amateur qui connaissent bien le milieu prolétaire et ouvrier, avec des visages banales contrairement aux visages lissés des stars hollywoodienne (Tom Cruise, Angelina Jolie). Les acteurs ont du s'informer énormément, écouter les témoignages de travailleurs et travailler dans le milieu socio économique de leurs personnages, Debby Honeywood l'actrice qui joue Abby à travaillé en tant qu'aide soignante pour préparer son rôle et Kris Hitchen jouant Ricky était quant à lui un chauffeur dans le gaz domestique avec 17 ans d’ancienneté, donc il a une grande connaissance du métier de chauffeur-livreur. Kris Hitchen rappelle dans une interview pour première que «ken (loach) aime que l'on dorme avec le personnage et que cela fasse naturel» et le fort accent de ses acteurs concourt à cet aspect naturel. Le réalisateur et le scénariste laisseront une marge de valeur faible pour leurs protagonistes car le texte d'après les acteurs est très carré sans possibilité d'y retravailler car le scénariste, Laverty, ajoute de poids sémantique énorme à chacun des mots des acteurs pour appuyer le propos. Ken Loach est Laverty font tout pour fusionner à travers leurs méthodes la réalité et la fiction pour créer une sensation de véracité accrue pour le spectateur.


Puis, l'absence de musique évite de sombrer dans un mélodrame tire larme qui implique lourdement le spectateur. Le réalisateur rappellera à quel point son but principal et d'impliquer le spectateur dans de nombreux entretiens.
L'utilisation de décor naturel pour une approche plus documentariste, d'un point de vue à hauteur d'homme et s'intéressant uniquement à la famille, optique à focale proche de la vision humaine, un découpage simple sans de plans trop large ni trop serrés se concentrant sur les personnages et un éclairage naturaliste de biais qui vise à sympathiser avec les protagonistes pour s'y attacher concourt à créer une très forte implication dans le récit. L'utilisation de longue focale permet une implication forte et dénote l'enfermement dans lequel les couches précaires de la société se trouvent.


Ouvertement militant le film divisera le public. Premièrement la mise en scène et le discours marxiste peut paraître trop simpliste mais elle concourt grandement à une forte implication, un respect des personnes filmés et à qui elle s'adresse car avec sa manière de mettre en forme et de raconter le film peut s'adresser à toute les couches de la population, le cinéma étant un art de masse. L'aspect tragique de la fin rappellera l'urgence dans laquelle des personnes vivent et permettront aux spectateurs de ressortir moins endormis, par les nombreux divertissements, et plus conscient du monde qui l'entoure. Moraliste mais pas moralisant Ken Loach nous narre avec une certaine force une petite histoire intimiste lié à la grande histoire économique de son pays, et de l'Europe.


Bibliographie:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ken_Loach#Le_style_%C2%AB_Loach_%C2%BB

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Laverty
Rousselet, Francis, and Philippe Pilard. Ken Loach Un Rebelle. Paris Condé-sur-Noireau: Ed. Du Cerf Ed. Corlet, 2002. Print. 7e Art 117.


Rousselet, Francis, and Philippe Pilard. Ken Loach Un Rebelle. Paris Condé-sur-Noireau: Ed. Du Cerf Ed. Corlet, 2002. Print. 7e Art 117.
entretiens vidéo:
Les acteurs : https://www.youtube.com/watch?v=_N29Ufuv3hU
le réalisateur : https://www.youtube.com/watch?v=CEH81v5BTsE https://www.youtube.com/watch?v=a_NtfprE4KM&t=238s https://www.youtube.com/watch?v=lbvdSYHAY1g&t=235s

entretien écrit :
La part des anges : entretien croisé avec le réalisateur Ken Loach et le scénariste Paul Laverty, Huffpost, 4 octobre 2016, https://www.huffingtonpost.fr/2012/06/26/ken-loach-paul-laverty-part-des-anges-interview-film_n_1628176.html

MisterHug
8
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le 12 déc. 2019

Critique lue 272 fois

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