J'ai trouvé ce Loach trop superficiel. Le postulat de départ (l’ubérisation de la société) me parle pourtant énormément. Travaillant au quotidien dans l’optique de lutter contre toutes ces formes d'esclavagisme moderne en perpétuelles expansions dans le monde du travail, j'étais une cible de choix. Pourtant, quelque chose m'a gêné. Ken Loach tend mettre en lumière la déshumanisation de ce monde à travers le drame social. Jusque-là, rien de neuf quand on connaît un minimum le vieil homme. Pour autant, il nous montre les conséquences de la précarisation de ces types d’emploi sans en disséquer les causes. Je trouve dès lors que le procédé ne délivre pas totalement ce qu’il y a réellement à dénoncer. Alors oui, il est primordial de pouvoir se séparer des perspectives à atteindre que l’on projette lors de la vision d’un film (et donc ce qu’on aurait vraiment souhaité en voir) du prisme à travers lequel le cinéaste a choisi de l’aborder. Et donc je pense que l’intention de Ken Loach n’est pas mauvaise, elle est même plutôt salutaire. Nous avons définitivement besoin de quelqu’un qui puisse s’emparer de ces sujets, et le faire aussi bien est un luxe dont on ne peut se priver. Ainsi, dans le cas de Sorry We Missed You (quel beau titre !), le réalisateur a choisi de se concentrer sur les drames familiaux universels et de les résulter de l’absence totale de complaisance de la part du monde de l’entreprise. Une belle critique, s’il en fallait, de notre société capitaliste qui écrase toujours plus l’individu sous le poids du besoin de rentabilité. Pour autant, il aurait fallu (à mon goût) nous attarder réellement sur les conditions de travail, qui sont la source du délitement de cette famille et non « simplement » un obstacle à la résolution des conflits sur lesquels s'attarde le réalisateur. Heureusement, les différents drames qui adviennent aux personnages restent tout à fait plausible et particulièrement poignant. En somme, les conséquences sont parfaitement bien illustrées, les causes, restant trop en surface, moins.