Bel effort d’authenticité insufflé dans la réalisation de ce film et dans le jeu des acteurs qui mettent en lumière le fragile équilibre d’une famille fortement impactée par les conditions d’emploi précaires des deux parents, les protagonistes principaux.
L’une est payée au nombre de visites auprès de ses bénéficiaires, l’autre au nombre de livraisons auprès de ses clients. Des « contrats à zéro heure » qui les pousseront paradoxalement à étendre l’amplitude de leurs journées et de leurs semaines de travail : travailler plus pour gagner plus, et bien au-delà, pour survivre à l’endettement.


Elle


Abbie se trouve dans une situation encore plus précaire que son mari (elle a dû vendre sa voiture pour qu’il puisse s’acheter son camion et ne se fait rembourser aucun frais de déplacement). Malgré sa confrontation quotidienne à un public en détresse et des tâches ingrates et peu gratifiantes, son travail fait tout de même sens pour elle : elle se sent utile dans le soin qu'elle peut apporter aux bénéficiaires, et certains lui en sont reconnaissants (cf. la scène où elle se fait coiffer par l’une d’elles, comme un juste retour des choses...).


« Je vous préviens, déconnez pas avec ma famille »


La famille est au cœur de tous les sacrifices de nos deux protagonistes. Tantôt un soutien, tantôt un fardeau, la sphère familiale devient une instance instable qui déborde sur le travail ou qui se fait happer par celui-ci (ex : le repas de famille interrompu parce qu'Abbie est interpellée pour intervenir auprès d’une de ses bénéficiaires).


Lui


« J’avais toujours quelqu’un sur le dos, je préférais bosser seul, être mon propre patron ».


Ricky en a marre d’enchaîner les petits boulots. Il voit l’opportunité d’être libre en s’associant à la franchise d’une entreprise de livraison à domicile. On lui promet qu’il sera « maître de son destin », mais on se rend vite compte que l’écart entre les promesses, l’attendu et la réalité est énorme.
Un travail libéré des contraintes du salariat, en apparence seulement :
- des horaires flexibles qui ne le sont pas vraiment puisque seuls les premiers arrivés à l’entrepôt sont sûrs d’avoir les livrables de leurs tournées ;
- de l’autonomie dans le choix et la manière de conduire « son affaire » (« Tu travailles pas pour nous, mais avec nous »), qui révèle très vite les dessous d’une subordination et d’un contrôle déguisés (« chaque colis est suivi à la trace ») selon lesquels on n’est même pas libre de choisir qui peut monter et quand dans son propre camion (« Tu avais quelqu’un avec toi samedi ? [...] Désolé, on peut pas » - « C’est mon camion, mon assurance, ma fille. C’est pas mon affaire ? » - « Si, mais c’est notre franchise. Un client s’est plaint, on déconne pas avec ça »).


« Je fais de mon mieux » - « Ton mieux, c’est pas assez. »


Cette réponse du fils à son père résonnera comme un écho tout au long du film, à la vue d’un Ricky qui n’arrive pas à joindre les deux bouts pour pallier les sanctions et les amendes qui finiront de l’achever.

Zugzwang
8
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le 18 déc. 2019

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Zugzwang

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