Soudain, l'Eté Dernier tire sur des fils surannés et des mécanismes issus d'une époque aujourd'hui révolue. Il pourra tout d'abord sembler que rien ne se passe à l'écran, fait dissimulé sous une avalanche de bla-bla constant et stérile.


Grave erreur.


Joseph L. Mankiewicz ouvre d'ailleurs son film sur un silence, devant la plaque de son institut psychiatrique, puis dans l'asepsie d'une salle d'opération passablement délabrée et vétuste. Cette entame tranche avec les futurs monologues nourris, à la puissance d'évocation immense, et ces fausses conversations finement ciselées, comme un travail d'orfèvre, servant d'écrin à l'intelligence hautaine d'une mère en totale admiration pleurant son fils disparu. Aussi magnétique que détestable, Katharine Hepburn suscite l'admiration, autant que l'effroi. Et sur ses relations dessinées avec sa progéniture, hissée sur un piédestal, planent des ombres troubles et quasi incestueuses que le mots décuplent.


Elle se réfugie dans un jardin d'Eden d'une pureté illusoire et, au fil de son récit, affleure un portrait de plus en plus pesant et insaisissable de l'absent à l'orientation et à la personnalité troubles : beau, bien éduqué, un peu artiste, mais tout aussi égoïste que manipulateur, froid et distant. Tout comme sa génitrice. Qui se ressemble, s'assemble. Tous les jours à cinq heures, devant un verre, dans sa garçonnière.


L'idée que ce fils coupe soudainement le cordon lui est inconcevable. Une mère sera toujours l'unique femme dans son coeur, non ? D'autant plus que sa rivale prend les traits de la superbe et désirable Elizabeth Taylor, qui crève littéralement l'écran à chacune de ses apparitions et ensorcelle la caméra, comme si celle-ci était tombée amoureuse de l'actrice. Car sa beauté irradie, sa fragilité charme et émeut, tandis que ses démons ne cessent de perturber son fragile équilibre. Elle les fuit en se faufilant dans les couloirs, en surplombant les salles où les patients, les uns sur les autres, sont livrés à eux mêmes. Faisant écho à sa propre condition, ou faisant remonter à la surface des souvenirs douloureux et insupportables, les images de Mankiewicz compose prennent à la gorge, alors que la jalousie maternelle morbide prend de plus en plus de place.


Si les arcanes de la folie apparente de Catherine sont explorées, le réalisateur les étend à la quasi intégralité de sa famille et des personnages qui l'entourent, tant certains semblent seulement obnubilés de manière extrêmement lamentable par l'héritage laissé par le défunt, tant d'autres ne manifestent leurs désirs que de manière trouble et dévoyée.


Mankiewicz inscrit la pièce de théâtre qu'il adapte dans une montée de son suspens implacable, tout d'abord systématiquement confiné, puis qui s'ouvrira dans une scène finale, faisant écho à la scène initiale dans le jardin, au cours de laquelle le réalisateur plantait les graines de son spectacle. Il y libère sa belle captive, dans une vérité exaltée, tandis qu'une mère se dévaste, fend l'armure et sombre.


Et soudain, les lumières se rallument. Jusque quand on était en train de penser que Soudain, l'Eté Dernier s'imposait comme un véritable et magnifique petit bijou psychologique.


Behind_the_Mask, lobotomisé.

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le 21 mars 2017

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