Le film commence en comédie (agréable), se poursuit en suspens (réussi) et finit... en queue de poisson (c'est très décevant).
Ce film n'est pas produit par Hitchcock au contraire de ses grandes réussites suivantes. C'est le second film "suspens" réalisé aux USA (il a aussi réalisé une comédie "joies conjugales" dont il ne parlera jamais). Après Rebecca, Soupçons, qui est un vieux projet de la RKO, est pour ainsi dire un nouvel examen de passage.
Source Wikipédia: "La production assurée par la RKO Pictures, représentée par Harry E. Edington, avait déjà ce projet depuis 1935. Ce devait être réalisé par Louis Hayward sur un scénario d’Emlyn Williams. En 1939, l’aventure avait été re-envisagée avec Robert Montgomery et Geraldine Fitzgerald mais en vain. La même année, la RKO avait aussi essayé avec Laurence Olivier et Maureen O'Hara. En réalisant ce film, Hitchcock réalise donc un projet très désiré par la firme.
Le scénario est annoncé comme adapté du roman Before the Fact (Préméditation) de Francis Iles (pseudonyme d'Anthony Berkeley).
Dans le roman, Francis Isles conduit à adopter le point de vue de l’héroïne qui raisonne toujours avant les faits, d’où le titre Before the Fact ou Préméditation. Elle nourrit ses soupçons.
Dans le film, le titre rejoint donc le thème du livre et renvoie directement aux soupçons du mal. Patrick Brion nous apprend que le film finit par s’appeler « Soupçons » après hésitation entre trois premiers titres « Before the Fact» comme le roman, « Fright » et « Suspicious Lady ». Dans la bande annonce du film (disponible actuellement sur youtube), Lina dira : « There is something strange about Johnnie Aysgarth. I knew it long before I met him » (Il y a quelque chose d'étrange concernant Johnnie Aysgarth. Je l'ai su bien avant que je le rencontre), introduisant le thème de « before the fact ».
Les deux œuvres ne racontent pas la même histoire, les personnages sont les mêmes mais le dénouement du film transforme complètement le récit du livre. Et pourtant les deux titres reflètent bien le sujet principal du film : « Before the Fact » pour jugement avant les faits. C'est un renvoi aux préjugés qui se révèlent fondés dans le cas du livre et, dans le cas du film, "Soupçons" pour soupçons du mal, et donc aussi préjugé « opinion, idée préconçue adoptée sans examen. » (d'après le dictionnaire Hachette de 1991) dont le dernier et plus grave se révèle infondé à la fin du film.
Dans le roman d’origine tout porte à croire que le mari est véritablement un assassin. D’ailleurs dans sa fin alternative, Hitchcock voulait que la femme meure en écrivant une lettre à sa mère pour la mettre en garde elle et la société contre son dangereux et meurtrier de mari : John Aysgarth. Comme il l'explique dans son entretien avec François Truffaut. Le mari restait donc un assassin.
Dans un premier montage, le film respectait la fin du livre, et le personnage de Grant se révélait être réellement un assassin, mais la RKO considéra que cela était susceptible de nuire à l'image de l'acteur. Bien que, comme il l'avouera plus tard à François Truffaut, un meurtre lui aurait mieux convenu, Hitchcock finit par accepter de donner à l'histoire un dénouement plus heureux, quoique ambigu"
On voit que la fin retenue, qui change le sens de l'histoire, n'avait pas vraiment convaincu Hitchcock et c'est la Production qui a imposé un "happy end" qu'on ressent aujourd'hui comme malheureux.