N'ayant vu d'Agnieszka Holland que son sympathique « Jardin secret », c'est totalement neutre que j'ai découvert « Sous la ville », passé totalement inaperçu dans les salles obscures françaises. Et autant le dire : c'est absolument incompréhensible. Ou plutôt si : c'est un film polonais, et ne devrait donc pas intéresser grand monde. Pourtant, il est peu dire que dans un registre assez similaire, l'œuvre est infiniment supérieur à « La Rafle », distribué triomphalement il y a de cela deux ans et demi. Probablement contraint à un budget limité, la réalisatrice exploite remarquablement son beau sujet pour nous offrir un récit terriblement réaliste et souvent éprouvant, ce qui ne l'empêche pas d'être émouvant, bien au contraire. L'histoire de Socha et de « ses » Juifs ne tombe en effet jamais dans le pathos, la réalisatrice lui préférant toujours la nuance et la sobriété, à l'image de comédiens très justes faisant ressortir habilement l'ambiguïté de certains personnages.
Toutefois, si ses qualités vaudraient à elles seules le coup d'œil, ce sont les scènes souterraines qui font rentrer le film dans une autre dimension. Filmés en effet dans une obscurité quasi-totale, les égouts de Varsovie apparaissent d'emblée comme une sorte d'Enfer quasi-irrespirable, décrivant de façon aussi brillante que terrifiante ce qu'ont pu endurer le petit groupe durant quatorze très longs mois... Bref, une œuvre marquante, à des années-lumières du folklore hollywoodien, à la fois magnifique hommage à toutes ces victimes du nazisme et réflexion aussi pertinente que réaliste sur l'humain : rarement 145 minutes « historiques » auront paru aussi courtes que celles de ce saisissant « Sous la ville ».