On ne voit pas venir le film de Duvivier réalisé en 1951 qui nous présente de façon anodine et poétique, peu à peu, sans véritable logique, tous les personnages du film "Sous le ciel de Paris" à l'aube alors que Paris s'éveille.
Sous le pont de paris coule la seine est la plus évidente des allusions littéraires que nous susurre la voix chaude et grave de François Périer, le narrateur en voix off du film alors que la roue du Destin égrène ses coups avant de frapper. Il y a sûrement beaucoup d'autres références littéraires qu'un amateur du Paris littéraire devrait pouvoir découvrir et goûter.
La roue du Destin se met en branle pour le Paris populaire et tous les espoirs sont permis. De l'étudiant en médecine qui va passer pour la n-ième fois le concours interne à la fille venue de sa province pour trouver le grand amour, la fortune et la gloire prédits par une cartomancienne, du tueur en série qui passe de désillusion en désillusion à l'ouvrier gréviste qui préférerait fêter en famille ses noces d'argent, de la petite fille qui fugue à la suite d'une mauvaise note en classe à la vieille dame qui cherche désespérément 64 francs pour acheter du lait à ses innombrables chats.
Et le film peu à peu s'achemine vers le soir, vers un avenir sombre où rien mais rien de rien ne réussit jusqu'à ce que Julien Duvivier, aidé par les magistraux commentaires d'Henri Jeanson nous exécute une de ses pirouettes dont il a le secret pour une chute comme on n'en voit pas souvent au cinéma.
Il n'y a pas de grands acteurs dans ce film sinon de brillants seconds rôles bien connus comme si Duvivier voulait insister sur le caractère bien populaire et humble de tous ces gens qui rêvent lorsqu'ils se lèvent le matin que la journée, cette journée, sera peut-être différente de toutes les autres. Parmi les nombreux acteurs, on relève la présence de Brigitte Auber (la provinciale qui débarque le matin à Paris), Daniel Ivernel (le médecin qui passe son concours de l'internat), Paul Frankeur en bistrotier, Robert Favart, Maurice Chevit en guitariste , Sylvie (la dame aux nombreux chats) et tant d'autres.
Il y a des thèmes certainement chers à Duvivier comme le cœur de l'ouvrier parisien qui ne peut pas s'arrêter ou encore la fugue de la petite fille qui croise le tueur en série et lui amène du baume à son âme ou encore la Seine omniprésente où la petite fille fait un périple en barque avec un espèce de Gavroche parisien rêveur mais où aussi la vie et la mort circulent.
Très belle mise en scène de Duvivier où les personnages sont amenés avec délicatesse, où les transitions d'une scène à l'autre ou d'un personnage à l'autre sont faites avec un grand soin par exemple à l'aide d'un objet similaire dans les deux scènes.
Le film s'ouvre sur la chanson "sous le ciel de Paris" chantée par Jean Bretonnière et s'achève par la chanson "Cœur de Paris" chantée par André Claveau.
D'un point technique, le film a été remarquablement remastérisé restituant un noir et blanc impeccable et une bande son parfaite.
Un film de cette fameuse qualité française d'avant la Nouvelle Vague et qu'on a un peu perdu aujourd'hui. Un film qu'on peut voir et revoir tellement le film foisonne d'idées, de dialogues savoureux, d'images et de photographies…