Pourquoi convoquer Jacques Rivette et son célèbre « De l’abjection » aujourd’hui, et à propos du dernier film d’Ulrich Seidl ? Dans son article, Rivette s’en prenait tout entier au film Kapo de Pontecorvo, qu’il accusait de ne pas réfléchir sa mise en scène, de traiter un sujet aussi grave (les camps de la mort) avec une désinvolture irréparable et révoltante. Rivette reprochait plus précisément à Pontecorvo de traiter les camps de la mort avec un « réalisme absolu » tout en sachant qu’il ne pouvait pas en retranscrire toute l’horreur. Il était alors obligé d’en affadir les images et, à défaut de pouvoir être fidèle à la réalité, d’habituer le spectateur à l’horreur. Pour Rivette, c’était non seulement une question esthétique, mais aussi une question morale, car « le cinéaste juge ce qu’il montre, et est jugé par la façon dont il le montre » (1).
La liaison entre l’esthétique et la morale est notamment opérée par Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ?, en 1948. L’écrivain, explique-t-il, n’a pas le droit de tout faire ou de tout dire car il s’est engagé à ne pas exister que pour lui-même. Il existe pour ses lecteurs, il est responsable devant eux. L’oeuvre se construit donc dans son rapport à l’autre et dans la nature du rapport qu’elle construit : elle doit proposer « un certain recul esthétique » (2) pour maintenir un lecteur libre, c’est-à-dire pour éviter qu’il ne tombe dans l’aliénation de ses passions. L’objectif de ce « recul esthétique » est la liberté. L’écrivain est donc mue par un « impératif moral » comme le dit Sartre, car
« puisque celui qui écrit reconnaît, par le fait même qu’il se donne la peine d’écrire, la liberté de ses lecteurs, et puisque celui qui lit, du seul fait qu’il ouvre le livre, reconnaît la liberté de l’écrivain, l’œuvre d’art, de quelque côté qu’on la prenne, est un acte de confiance dans la liberté des hommes. Et puisque les lecteurs comme l’auteur ne reconnaissent cette liberté que pour exiger qu’elle se manifeste, l’œuvre peut se définir comme une présentation imaginaire du monde en tant qu’il exige la liberté du monde » (3).
Là où le travelling de Kapo rompt ce rapport de confiance entre le spectateur et l’auteur, c’est qu’il force le spectateur à « violer l’intimité » du personnage, tel « un prédateur guettant sa proie » comme le dit Aline Caillet (4). Pour paraphraser Serge Daney, ce travelling instaure une relation de pouvoir du spectateur sur le personnage, pouvoir aliénant qui brise, de fait, la liberté de celui qui regarde et l’égalité posé comme principe entre le regardé et le regardant (5). De l’esthétique, et donc de la mise en scène, découle des considérations morales, qui construisent à la fois la façon dont le créateur conçoit ses personnages ou les individus qu’il filme, et qui façonnent sa relation au public.
Le film d’Ulrich Seidl pose un problème similaire d’inadéquation entre l’impératif esthétique et l’impératif moral, entre la volonté de dévoiler tout en préservant la dignité des personnes filmées, et la mise en scène de ces mêmes personnes. On connait, par la réputation que lui a taillé Dog Days (2001), l’obsession de Seidl pour le « dévoilement des choses » et pour la vérité (6). Dans de nombreux entretiens, il revient sur sa méthode de travail et sur ses objectifs. Le réalisateur autrichien aime à travailler avec des amateurs, s’échine à instaurer une relation de confiance avec eux afin qu’ils donnent quelque chose « d’authentique », d’imprévu, d’inattendu (7). La quête de l’authenticité nécessite d’aller « en dessous de la surface », de montrer ce qui est caché, afin de « raconter la vérité » (8). C’est une problématique qui revient fréquemment dans les argumentaires du cinéaste, laissant persister une certaine ambiguïté de fond sur le sens des termes employés : véracité, réalité, vérité. Tous semblent recouvrir la même signification, à savoir l’inverse de ce que l’on montre.
Aussi, Sous-sols parait être une étrange métonymie de tout le cinéma de Seidl : descendre dans les caves, aller « en dessous » pour montrer la vérité, c’est-à-dire ce que les Autrichiens cachent à leurs voisins ou à leurs proches. Métonymie qui touche immédiatement sa contradiction : si Seidl a pu descendre dans ces caves, si ces Autrichiens lui ont montré ce qu’il a filmé, tout en sachant très bien que cela deviendrait un film montré dans le monde entier (puisqu’il s’agit d’une relation de confiance), c’est que cela n’était pas si « caché » que cela. Aussi, la symbolique de la cave comme lieu « où les choses sont dissimulées », comme « lieu de crime secret » (9) s’évapore-t-elle sitôt la caméra pénétrant dans le lieu en question. Cette assertion est confortée par les usages-mêmes des protagonistes qui hantent le film : certains ont aménagé un lieu de réception (comme un couple de retraité), d’autres y reçoivent des amis (l’amateur d’objets nazis qui prend un verre avec les membres de sa fanfare), tandis que d’autres y ont une activité quasi-professionnelle (l’amateur de tir). Sous-Sols démontre donc que la cave n’est pas un lieu où l’on cache, mais qu’elle est, potentiellement, un lieu aux sociabilités multiples.
Une autre idée pose problème dans les propos avancés par Seidl. Conscient que le documentaire ne copie pas et, surtout, ne doit pas copier le réel, Seidl introduit des scènes de fiction dans ses documentaires :
« Il est vrai aussi qu’un documentaire ne filme pas la réalité telle qu’elle est. […] Mes documentaires ont aussi des scènes de fiction car il ne s’agit pas pour moi de recopier la réalité mais de lui rendre justice » (10).
Difficile de saisir l’idée d’un réalisateur-justicier, qui dévoilerait la vérité cachée du monde par l’insert non-signalé au spectateur de scènes fictives. Une des premières séquences de Sous-Sols montre une femme descendre à sa cave, attraper une boite en carton et en sortir un bébé en plastique. Elle commence alors à le dorloter et à le cajoler, comme s’il s’agissait d’un véritable enfant. Cette séquence a été mise en scène de toute pièce par Seidl, comme il l’affirme dans un entretien au site Bakchich :
« Un documentaire est toujours mis en scène. Ce n’est jamais l’enregistrement pur et simple de la réalité. Cependant, pour nuancer, les choses auraient pu être de cette façon. Par exemple, cette poupée, je l’ai découverte dans la maison de cette femme et l’idée m’est venue de la mettre dans la cave » (11).
Voilà une inspiration géniale de mise en scène. Toutefois, dans un dispositif qui veut révéler les secrets, n’y a-t-il pas contradiction avec le fait de maintenir le spectateur dans l’ignorance de cette illusion cinématographique ? N’y a-t-il pas contradiction à chercher la vérité dans des situations qui « auraient pu être de cette façon », mais qui ne le sont pas ? N’y a-t-il pas contradiction, enfin, à dissimuler ces fictions et à maintenir la supériorité verticale du réalisateur sur le spectateur, à dresser une barrière de pouvoir entre l’oeuvre filmique et celui à qui elle est destinée ? Cette relation déséquilibrée, où il est difficile, voire impossible (si la séquence de la femme aux poupées est mentionnée dans le dossier de presse, qui nous dit que celles qui ne le sont pas ne relèvent pas de la fiction quand même ?), de faire le tri, de distinguer le vrai du faux, le « pur de l’impur » (12), rend la procédure de dévoilement caduque : tout devient suspect, tout est alors susceptible d’une manipulation qui voile les dévoilés et qui se jouerait de la sincérité de leur dévoilement.
Il n’est pas question de douter de la sincérité d’Ulrich Seidl quand il affirme que, « en tant que metteur en scène, [il a] une responsabilité vis à vis de [ses] protagonistes » et que c’est son rôle de « trouver la solution pour préserver leur dignité » (13). La relation de confiance qu’il instaure longuement avec eux avant les tournages ou le fait qu’il rémunère toutes les personnes participant aux films sont autant de choses qui laissent à penser que Seidl aime les gens avec qui il travaille, qu’il aime vraiment rencontrer et découvrir des personnes. Mais pourquoi alors sa mise en scène semble dire tout le contraire ? Pourquoi invite-t-elle à la moquerie goguenarde, à la considération bas de plafond, au rire le plus sordide ? Pour Seidl, le rire est une pure affaire individuelle qui « reflète toujours la personnalité du spectateur » (14). Notons toutefois qu’il est des rires que l’on suscite et d’autres pas ; des rires que l’on cherche, délibérément, et d’autres qui nous échappent.
« Dans mes films, il y a toujours de l’humour qui surgit au beau milieu d’une situation tragique, mais c’est une forme d’humour où le rire reste en travers de la gorge. Le rire, c’est quelque chose d’individuel, il reflète toujours la personnalité du spectateur. Certains rient parce qu’ils sont gênés. D’autres, pour surmonter leur irritation. D’autres encore parce qu’ils trouvent ça drôle. Beaucoup de spectateurs sont mécontents d’entendre les autres rire dans la salle » (15).
Si le projet de Sous-Sols avait été de montrer que la cave est un espace de liberté, où chacun peut se laisser aller à toutes ses perversions, qu’elles soient socialement acceptables ou honteuses, puisque libéré du poids de l’apparence, du stigmate de la bienséance, de l’opprobre infamante, il n’y aurait pas eu besoin de chercher à susciter le rire chez le spectateur. Il en serait allé de même si le projet de Seidl avait été de montrer que, dans notre monde postmoderniste et néolibéral, toutes les perversions sont dans la nature et toutes peuvent être vues, montrées et acceptées tant qu’elles ne font de mal à personne. Or Seidl le cherche, et sa mise en scène trahit une mise à distance de ses protagonistes, voire une objectification rigolarde de ceux-ci.
L’usage, le contenu et la distribution de la parole sont assez symptomatiques. Beaucoup de protagonistes en sont tout simplement privé. C’est le cas de ce collectionneur de trains miniatures dont on ne voit dépasser du décor que le visage renfrogné ; de ces jeunes qui fument un pétard, affalés sur leur canapé ; de cette femme en jogging bleu, debout à côté de sa machine à laver ; de ce couple qui a aménagé une sorte de bar-discothèque dans son sous-sol. Les protagonistes principaux (ceux qui reviennent plusieurs fois au cours du film) ont un droit à la parole plus conséquent, mais qui confine souvent à l’anecdote. C’est le cas du collectionneur d’objets nazis. On l’entend parler de son alcoolisme, dire qu’il descend des litres et des litres de bière avec ses amis de la fanfare ; on l’entend également raconter que, le jour de son mariage, on lui a offert un portrait d’Hitler et que, heureux comme jamais, il n’avait eu qu’une envie, courir chez lui pour l’accrocher. Mais on ne l’entendra pas parler de sa passion : est-ce qu’il est collectionneur féru ou est-ce qu’il est nostalgique du IIIe Reich ? On ne le saura jamais. Tout comme on ne saura pas quelle relation il entretient avec sa femme, qui lui dépose pourtant un plateau repas tous les jours en haut des escaliers, ni ce qu’elle pense de tout ça.
Aucun individu n’est invité à se raconter, à parler de son passé, de sa passion, de son addiction, de sa perversion, qu’il s’agisse d’en dire long ou d’en dire peu. Ainsi la domina ne parle que très peu d’elle et de sa vie ou même de sa relation avec son dominé. Elle s’en tient presque strictement à un exposé technique des punitions et des récompenses qu’elle lui administre, alors que lui, est totalement privé de parole. Une seule personne en réalité nous propose un véritable récit de vie et, là encore, le fait qu’elle soit la seule confirme le rapport de pouvoir instauré par Seidl. Il s’agit d’une masochiste, seule face caméra, cadrée en dessous des genoux, ligotée et cernée par deux chandeliers muraux et surplombée par une fenêtre qui donne sur la nuit. Elle ne regarde pas la caméra mais parle, durant plusieurs minutes, de son passé de femmes battues, des sévices et des brimades qu’elle a subis, des allers-retours à l’hôpital, puis de son combat dans une association qui milite contre les violences conjugales et pour la reconnaissance du droit des femmes. L’exposition de cette femme, sorte de Saint Sébastien dont l’aura de martyr est redoublée par le cercle de lumière quasi-christique qui l’entoure, est redoutable : si Seidl la laisse se livrer seule, c’est bien pour mieux mettre en avant ce qu’il sait pouvoir apparaître comme une contradiction aberrante, à savoir le fait que cette femme ait une pratique sexuelle sado-masochiste, où le plaisir sexuelle/physique est stimulé par une douleur ritualisée et négociée, et son passé de femme battue et de militante associative.
La fixité des protagonistes face à la caméra crée lui aussi un certain malaise. La volonté de Seidl est d’utiliser cette image quasi photographique comme un miroir révélateur, invitant le spectateur a se reconnaître dans le regard caméra lancé par les individus qui lui font face.
« Je fais toujours des tableaux, c’est-à-dire des images fixes, où les gens sont statiques et regardent la caméra. […] Ce sont des images fixes dans lesquelles les gens respirent et le protagoniste regarde le spectateur droit dans les yeux, ce qui produit un effet magique sur ce dernier » (16).
Les tableaux sont composés de différentes façons, la valeur des cadres varie souvent, mais reste relativement éloignée des personnes filmées. Prenons l’exemple du braconnier. Il est seul au milieu d’une pièce gigantesque devant un imposant meuble en bois, au centre de l’image, sous un lustre pendant, les mains jointes au niveau de la ceinture, vêtu d’une chemise verte qui rappelle l’ambiance terne de la pièce. Les murs sont ornés de têtes d’animaux sauvages, qui semblent presque orientées vers lui. L’homme ne bouge pas, il reste là, figé, le regard vers nous, regard qu’on perce très peu étant donné la distance entre lui et la caméra. Cette incapacité à rencontrer vraiment son regard nous amène à ressentir plus la pièce et à considérer l’homme comme en faisant partie. Loin de nous confronter à nous-même, le plan tourne à vide et ne fait que surligner ce que nous avions déjà saisi, à savoir l’étrangeté de la situation, la dimension peu commune de cette pièce. La cave écrase le protagoniste qui, par le jeu des couleurs, se fond littéralement dans son ambiance. Cet homme est cette pièce, et il n’est rien d’autre puisqu’il n’a rien à dire dessus et qu’on se fiche de voir ce qu’il y a ailleurs dans la maison.
Autre exemple, celui de la femme blonde au survêtement bleu. Elle n’a jamais le droit à la parole de tout le film, mais on la voit au moins à deux reprises. Elle est collée contre le mur blanc de sa cave, à droite d’une grosse machine à laver qui tourne. Elle est debout, le lave-linge au centre de l’image, et un vide à gauche de la machine. La machine tourne puis s’arrête. La femme ne bouge pas, elle reste figée, regardant en direction de la caméra. Soudain la machine se relance. Cette rupture dans le cycle de la machine fait surgir l’humour dont parle Seidl. On est pourtant loin d’être dans une situation tragique. On est dans une cave, avec une femme qui lave son linge. Ou plutôt avec une femme collée au mur et une machine qui tourne. Car son inaction lui confère un statut d’objet passif, plus objet encore que la machine puisqu’elle au moins, tourne.
Seidl ne se contente pas de filmer les gens dans une fixité qui nie l’activité de ses protagonistes et la réalité d’usage des lieux sous-terrains. Il les place dans des angles, dans des coins de pièce où la perspective fuit derrière leur visage, où l’espace se ferme dans leur dos. C’est le cas, par exemple pour ce couple qui a construit un bar dans sa cave. Ils sont l’un à côté de l’autre, enfermés derrière leur bar, les bras le long du corps, une tasse remplie devant eux. Le bar est surmonté d’énormes enceintes noires. Le plan est suffisamment large pour que l’on voit les deux murs qui fuient et les cadres remplis de bouteilles et de photos de soirées qui les recouvrent. Comment soutenir qu’il s’agit ici d’« images où les gens respirent » ? Le couple est enfermé dans un tout petit cube, comme s’il était dans un téléviseur, et le décor de la pièce se rue sur lui, le réduisant lui aussi à un élément de décoration, à un objet de collection. Sa fixité et la spécificité du cadre qui, à la fois, le met au centre du décor et le réduit à un élément de celui-ci, lui enlèvent toute humanité, en fait un duo de freaks drôles dans une monstrueuse parade, tout entiers réduits à leur perversion ou à leur passe-temps, sans échappatoire.
Il y a donc échec dans le pacte de responsabilité tissé entre le créateur et ses protagonistes et, du même coup, échec dans la relation de confiance forgée avec le spectateur. Cette mise en scène qui objectifie, qui déshumanise relève de l’abjection. Bataille fait un usage politique de ce concept.
« […] l’abjection renvoie à la nécessité d’exclure tout ce qui est bas, abject, à mépriser » (17).
Dans un texte intitulé « L’abjection et les formes misérables » (18), il tente de penser les mécanismes d’exclusion. Pour lui il n’est pas exact de réduire la dualité entre oppresseurs et opprimés à l’exercice d’une oppression directe. L’oppression se manifeste d’abord par sa volonté d’exclusion « sous forme de prohibition de contact » (19). Ceux qui portent le dégoût et qui sont victimes de cette exclusion sont appelés « misérables », non dans le sens premier du mot nous dit Bataille (ceux qui attirent la pitié), mais dans le sens d’abject (dépourvu de moral, qui attire le mépris). Or on n’est pas misérable par nature, mais on le devient par impuissance, parce qu’on est incapable de repousser ce qui est dégoûtant.
« L’abjection d’un être humain […] est simplement l’incapacité d’assumer avec une force suffisante l’acte impératif d’exclusion des choses abjectes » (20).
Ce que nous dit donc Bataille, c’est que l’abjecte caractérise avant tout les choses et que celles-ci peuvent le communiquer « aux hommes qui les touchent ». Comme le rappelle Walter Benjamin, « tout dégoût est originairement dégoût du contact » (21). C’est à partir du moment où l’abjection cesse de caractériser une chose et que le dégoût se porte sur un être humain qu’elle prend son sens politique de procédure d’exclusion sociale avec pour but, la séparation du « pur et de l’impur », l’exclusion totale des misérables.
Qu’on le comprenne bien, les personnes filmées par Seidl ne sont pas abjectes. C’est le regard posé par Seidl sur elles, par le biais de la caméra, qui relève de l’abjection et qui, contrairement à son ambition de départ qui voulait préserver la dignité des personnes filmées, les transforme en misérables. La procédure d’exclusion consiste ici à exposer (mais pas à exhiber) les corps, les secrets, l’intime, de façon à susciter non pas une quelconque bienveillance, mais une distance moqueuse, un rassurant « ça va, je ne suis pas comme ces gens là ». En en faisant des choses, similaire à des lave-linges, en les privant de parole, il affirme la toute puissance que lui confère la caméra. Seidl ne peut se défendre d’être juste un « observateur qui s’efforce de ne pas juger » (22). Son montage, sa mise en scène, ses choix de cadres le ramènent sans cesse à la considération esthétique et morale que le « De l’abjection » de Rivette rappelait en introduction et, de fait, le rappellent à sa responsabilité de réalisateur.
(1) Jacques Rivette, « De l’abjection », Les Cahiers du Cinéma, n° 120, juin 1961, pp. 54-55.
(2) Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948, p. 55.
(3) Ibid., p. 69.
(4) Aline Caillet, « Pour une responsabilité esthétique », Marges, n° 9, 2009, p. 35.
(5) Serge Daney, « Le Travelling de Kapo », Traffic, n° 4, 1992.
(6) Lire cet entretien d’Ulrich Seidl sur le site des Fiches du Cinéma.
(7) Lire par exemple cet entretien pour le site Objectif Cinéma ou celui-ci pour le site Àvoir-Àlire.
(8) L’entretien avec les Fiches du Cinéma (art.cit.).
(9) Lire cet entretien d’Ulrich Seidl sur le site Bakchich.info.
(10) L’entretien avec Àvoir-Àlire (art.cit.).
(11) L’entretien avec Bakchich (art.cit.).
(12) Claire Margat, « Bataille et Sartre face au dégoût », Lignes, n° 1, 2000, p. 205.
(13) L’entretien avec Bakchich (art.cit.).
(14) Lire cet entretien d’Ulrich Seidl sur le site Arte.tv.
(15) Idem.
(16) L’entretien avec Bakchich (art.cit.).
(17) Claire Margat, art.cit., p. 203.
(18) Georges Bataille, « L’abjection et les formes misérables », in Oeuvres Complètes, 1922-1940, Paris, Gallimard, t. 2, 1970, pp. 216-221.
(19) Ibid., p. 218.
(20) Ibid., p. 219.
(21) Walter Benjamin, « Gants » [1928], in Sens unique, Paris, Maurice Nadeau, 1978, p. 157.
(22) Lire cet entretien d’Ulrich Seidl sur le site de l’Humanité.
Publiée originellement sur http://cineclub-upem.esy.es/wordpress/