Les plus honnêtes d'entre vous auront sans doute déjà l'expérience: la proximité d'une patrouille de police, dans un moment de vulnérabilité, aura déclenché en vous une montée d'adrénaline autrement plus féroce que la totalité des films d'actions que vous auriez pu avoir cumulé dans votre vie de spectateur.
Si je pars de ce constat simple et évident, c'est pour remettre en perspective le propos de ce "sous surveillance" (nouveau titre français absurde à intégrer dans la liste interminable sur ce thème).
Ceux qui auront trouvé le suspens et la tension de ce film absents se sont trompés de séance. Il ne s'agit pas du énième truc d'action à rebondissement mais la juxtaposition de deux situations à priori incompatibles: comment éviter de passer, en moins de 30 secondes, de 30 ans de vie de famille calme et rangée à 30 ans de réclusion.

On évacuera d'autant plus facilement ce suspens pépère que, bien entendu, le vrai propos -passionnant- du film est son contexte politique.

Il est pareillement amusant de lire les reproches faits à Redford (que l'on retrouvera pour certains films de Clooney) quant à la tiédeur de ses thèses politiques. Outre le fait que le garçon soit le seul ou presque à encore tenter ce genre d'exercice dans un univers ado-isé et décérébré, je tiens simplement à rappeler qu'il est on ne peut plus délicat de juger, depuis ici, le contexte d'un pays dont une partie de la population s'est constitué en milices armées, une presque moitié du pays pensant que son charismatique président est un dangereux communiste.

Non, un des seuls trucs discutables dans cette histoire est d'avoir un enfant de 11 ans quand on en a sois-même 77, monsieur Redford. Voyons !

Ex-fan des sixties, ou sont tes années folles ?

Bref. Une foule de questions légitimes agite une foule de personnages (joués par autant d'acteurs formidables) anxieux et tenaillés par une série d'injonctions paradoxales: que reste-t-il de notre combat d'il y a 30 ans ? Comment en parler aujourd'hui ? Comment justifier certaines de ses actions ? En les prolongeant au risque de se perdre ? En les condamnant au risque de renier tout ce qui a constitué sa vie ? Comment expliquer à ceux qui nous entourent ce à quoi nous avons toujours cru ? Comment déplacer ce combat ? Comment le faire résonner aujourd'hui ? Qu'est-ce qui est ringard et qu'est-ce qui est essentiel ? Comment faire comprendre aux jeunes cons d'aujourd'hui que leur génération est foutue à cause d'une résignation généralisée et mortifère ? Reste-t-il un combat valable ? Quel forme doit-il prendre ?

A ce titre, les dialogues entre Redford et LaBoeuf (que je continue à pas l'aimer, lui !) sont extrêmement bien sentis et intenses ("qu'est-ce qu'un garçon comme toi peut faire de son intelligence à notre époque ?" ...soit une putain de question fondamentale si vous voulez mon avis).

Et, dans une moindre mesure, mais de manière tout aussi agréable, le film permet aussi de se demander comment des gars qui se prétendent les "good guys here", les membres du FBI, par leur vision binaire et dépolitisée, ne faisant sans animosité particulière que leur boulot, peuvent-ils apparaitre comme aussi décalés et hors de propos mais terriblement actuels ?

...que sont devenues toutes tes idoles ?

Alors voilà, c'est très bien écrit et joué et on s'acheminerait volontiers vers la jolie surprise que constituerait l'existence de ce film si, à quelques minutes de la fin, (SPOIL) un bateau ne changeait pas absurdement sa course (FIN DE SPOIL), mettant à bas en quelques secondes un édifice délicat qui venait jusque là de se construire avec une certaine intelligence.
Avec cette conclusion stupide, en s'invitant sans finesse dans un univers dont il avait été tenu écarté jusque là avec goût, Hollywood donne alors une forme de réponse désabusée aux multiples questions passionnantes qui agitaient ce film depuis son début.
Si un groupe appelé "weathermen" devait se constituer aujourd'hui, ce serait pour protester contre l'inexactitude des applications météo des smartphone.
Le combat est perdu.
guyness

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