Après son premier coup d’essai très remarqué au Québec, le rugueux et incandescent drame social « Chien de garde », Sophie Dupuis semble changer de registre avec cette histoire de mineurs coincés dans une mine après une explosion. Mais ce n’est qu’en apparence car celle-ci évacue quasiment tout spectaculaire au profit de l’intime. On est très loin d’un classique film catastrophe mais plus dans un drame qui ausculte les sentiments et la psyché de ces mineurs en deux strates. Celle de groupe d’un côté et celle individuelle de l’autre avec le parcours de Maxime, le personnage principal (un protagoniste un peu agaçant mais bien campé par Joakim Robillard). D’ailleurs, si le film commence sur l’accident dans la mine, il revient vite en arrière pour nous conter la manière dont on en est arrivé là à travers le regard de ces personnages. Un procédé très (trop?) utilisé en ce moment mais qui est pleinement justifié et efficace ici. On ne retournera dans les profondeurs de la mine par le biais fin d’un final magistral, sous extrême tension et confondant de réalisme. Le scénario écrit par la cinéaste elle-même est très méticuleux et d’une finesse admirable, que ce soit dans les dialogues, les silences, les regards ou les situations. C’est très réaliste et d’une acuité psychologique et humaine indéniable. « Souterrain » respire la vérité à chaque mouvement des protagonistes et à chaque ligne de dialogue. On nous dirait avant ou après la projection que le long-métrage s’inspire d’une histoire vraie qu’on n’y aurait cru sans aucun problème.
« Souterrain » nous permet également de nous plonger (dans tous les sens du terme) dans un décor et un univers rarement vu au cinéma. Celui des mines, un lieu qui existe encore et qui n’est pas réservé à celles de charbon de l’époque comme dans « Germinal ». Les paysages de l’Abitibi sont bien mis en valeur grâce à quelques plans larges et aériens mais Dupuis ne rentre pas dans la contemplation, ce n’est pas ce qui l’intéresse et c’est tant mieux. Si le décor naturel de la mine est bien rendu également c’est l’humain et ses ressentis qui l’intéresse en premier lieu. Ce qui se passe dans la tête et dans le cœur, comme le dit d’ailleurs l’un des protagonistes. Le film aurait gagné à être un peu plus long pour développer certains personnages secondaires, notamment féminins, mais il passe vite et même lorsqu’on est en dehors de la mine on ressent une tension sourde qui nous colle au siège. Une intrigue secondaire au sein de laquelle s’illustre Théodore Pellerin donne également une autre dimension, plus dramatique, à ce « Souterrain ». Le jeune acteur prouve encore une fois, après « Chien de garde » justement ou encore « Genèse », l’étendue de son immense talent. Dans la peau d’un jeune homme handicapé moteur à cause d’un accident, il est juste fantastique. Quand vient l’heure de l’accident, le sentiment d’urgence et de panique est bien rendu et l’émotion, déjà naturelle et bien présente tout le long du film, explose littéralement sans sombrer dans la dramaturgie excessive et le pathos. Une œuvre forte, touchante et réussie au scénario implacable.
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