Après l'excellent Le Tombeau des lucioles en 1988, Isao Takahata signait en 1991 Souvenirs goutte à goutte, de nouveau produit par les Studios Ghibli et Hayao Miyazaki. Cette chronique nostalgique marquée par le réalisme quasi-documentaire des dessins fut l'un des plus grands succès de son auteur.
La collection Wild Side consacrée aux films des Studios Ghibli est arrivée à terme, et après la sortie des titres les plus réputés (Mon voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro...), l'éditeur devenu le distributeur officiel de la célèbre maison de production nous propose des titres moins connus tel ce Souvenirs goutte à goutte, qui avait fini au sommet du Box-office japonais en 1991. Bien que déjà édité en Blu-Ray dans nos contrées, il se présente ici pour la première fois avec une version française réalisée pour Netflix en 2019.
Le réalisateur suit ici le destin de Taeko, jeune femme célibataire de 27 ans qui à l'occasion de vacances à la campagne voit ressurgir de nombreux souvenirs enfouis de ses 10 ans. Alors que les séquences de 1982 s'avèrent d'un réalisme bluffant pour l'époque, les images du passé arborent des tons pastel et des décors esquissés plus proches des mangas traditionnels. En filigrane, le film dresse aussi un constat sur la place de la femme japonaise, Taeko subissant une sorte de pression sociale n'étant toujours pas mariée à 27 ans. Aussi, les souvenirs de 1966 présentent une cellule familiale certes quasi-exclusivement féminine mais où c'est bien le père qui décide de tout, la mère n'étant qu'une docile compagne.
MISE AU VERT
A l'instar des autres productions Ghibli, Souvenirs goutte à goutte s'inscrit dans les thématiques de la tradition, de l'environnement, de la quête de soi ainsi que de la nostalgie du passé. La seconde partie du long-métrage voit alors l'héroïne venir à Yamagata, région rurale au nord de Tokyo magnifiquement représentée et esquissée. Les scènes du lever de soleil dans le champs de carthame, fleur utilisée pour la teinture et les maquillages comme le rouge à lèvres, sont magnifiques et Takahata nous présente une vision idyllique et idéalisée de la campagne.
Envahie pas ses souvenirs (du premier amour aux première règles en passant par les déceptions comme le refus du père de voir Taeko faire du théâtre), Taeko tombe sous le charme de la vie en communauté, simple et dure, et d'un jeune agriculteur...bio, prouvant une fois de plus l'intérêt porté à l'écologie par Ghibli, la pratique n'étant que marginale alors.
Plus réaliste que les réalisations de son ami, et rival, Miyazaki, ce film de Takahata marqua un tournant de par son approche documentaire, et la véracité des dessins, les personnages de 1982 étant réalisés à partir des doubleurs (Miki Imai pour Taeko). Un joli film, nostalgique et positif, chantant les louanges de la campagne et regrettant l'exode rural, et qui mine de rien dresse un portrait sociologique pertinent du Japon des années 1960 et 1980.
Retrouvez l'évaluation de la partie technique du Blu-ray sorti chez Wild Side par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=7126