[Mouchoir #44]
C'est toujours intéressant d'aller voir un film où les gens qui l'ont fait en débatent après la séance. Ça nous en apprend à la fois sur ce qu'on aime et ce qui nous a dérangé, alors qu'on n'arrive pas encore à mettre des mots dessus. Car si Soy Libre m'a gêné, ce n'est qu'en entendant Laure Portier que j'ai compris pourquoi.
Projet fait sur 9 ans, mais surtout à deux. Elle, cinéaste en devenir à l'INSAS, et son frère Arnaud. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que dans ce processus, il l'est tout autant qu'elle ; cinéaste. Il souhaitait voir les rushes, s'appliquait à un découpage, avait choisi presque 7 ans avant la fin, se plaignait que les images n'étaient pas assez cinématographiques, jusqu'à vouloir lui aussi un appareil pour filmer son périple.
Et c'est là que le bât blesse : le film ne fait pas état de ses envies de cinéma à lui, ni ne rend compte des désaccords qui semblaient constants. C'est même l'inverse, à aucun moment on se doute qu'il veuille participer au projet, qu'il veuille lui aussi être cinéaste contractuel, et pendant 9 ans qui plus est. Le portrait qui est fait de lui par sa soeur montre plutôt qu'il subit la caméra, qu'il ne la contrôle pas, qu'il la fuit parfois. Jusqu'à un moment où ce personnage en deux dimensions finit par tomber dans le regard qu'il dénonce dans le film : intéressant ce personnage violent, mais un peu kéké peut-être.
Car Soy Libre est un film signé Laure Portier, fait à quatre mains, mais dont une paire a disparu au montage, dans le regard final, et que si le projet initial était de montrer que ce frère voulait être libre en tous points, cherchait la liberté dans tous ses faits et gestes, le censurer en tant que cinéaste, ne pas lui laisser cette place, lui empêcher cette envie en lui faisant miroiter cette possibilité sur une période aussi longue, c'est à mon avis l'un des plus beaux ratés de cinéma.