L'homme qu'on ne pouvait enfermer
Un bon petit film de guerre en jupette, ça fait du bien de temps en temps.
La création de ce film est tout aussi passionnant. Kirk n'a pas eu le rôle de Ben Hur échoué à Charlton, il a donc voulu faire plus fort en mettant sur pied le projet "Spartacus". Pas satisfait de Mann, il le vire pour embaucher un réalisateur qu'il admire et avec lequel il avait déjà travaillé : Kubrick. Sauf que ça se passe si mal que Kirk regrette avoir fait dégager Mann (il se rattrapera d'ailleurs sur un futur projet en réclamant Mann derrière la caméra). Ce n'est pas que Kubrick soit un mauvais réalisateur, non, c'est juste que c'est un 'auteur', un auteur qui veut imposer ses idées. À peine arrivé sur le plateau, il vire une actrice, impose son découpage. Querelles, les prod ne l'entendent pas de cette façon, il faut quelque chose de plus passe partout. Kubrick veut sucrer des dialogues, n'y parvient pas, mais réussit tout de même à contre carrer les réécritures des acteurs qui veulent chacun, selon leur égo, enrichir leur personnage. Même Saul Bass emmerde Stanley qui obtiendra qu'on racourcisse son générique de début. Au fina, Kubrick sort éreinté de ce projet, avec la promesse de ne plus jamais jouer au Yes Man.
Malgré tout, "Spartacus" reste un bon film à découvrir. La première heure notamment est parfaite, mêlant intrigue politique, condition de la femme et de l'esclave, entraînement et révolte. Du grand spectacle. Après, ça se perd en sous intrigue, notamment en bons sentiments sur lesquels il n'était pas nécessaire d'insister. Il reste tout de même cette intrigue politique, ces personnages fascinants dont ce héros qui mène sa révolte d'une main de maître.
Côté mise en scène c'est assez particulier. La grammaire habituelle des péplums de l'époque, une forme très théâtrale rappelant la peinture classique. Sauf que Kubrick est un peu plus baroque. Il tente donc d'imposer ses mouvements de caméra et n'obtient que des compromis : des petits mouvements de caméra. C'est bien parce qu'on n'est pas dans l'excès auquel peut nous pousser Kubrick (parfois il en fait trop), et on n'est pas non plus dans du théâtre filmé. La caméra se manifeste ainsi au bon moment pour dynamiser des dialogues sans non plus dénaturer le sens. Puis certains décors naturels sont assez percutants et changent aussi de l'ordinaire du péplum.
Les acteurs sont très bons. Je crois que Kirk est un des types les plus impliqués dans ses films. Il a une bonne tronche en plus. En enfin il joue bien (surtout par rapport à son fils). Les seconds rôles fonctionnent très bien aussi. L'on pourra surtout savourer les champs de bataille remplis de cascadeurs qui se jettent par terre à la première occasion, peu importe la hauteur, peu importe qu'il y ait du feu ou pas. C'est très impressionnant.
Je garderai surtout en mémoire ce jeu de formation en mouvement lors de l'assaut final.
Bref, "Spartacus" est un bon divertissement bien mis en boîte, bien écrit. Il souffre tout de même de quelques longueurs à cause d'une intrigue qui perd en densité et en profondeur après 1h de film.