L’originalité principale de ce Spécial magnum est d’avoir les fesses posées entre plusieurs genres, situation évidemment casse-gueule dont Alberto de Martino est un spécialiste pour se dépatouiller. Résultat, l’ensemble tient la route à défaut d’avoir une véritable identité. Fruit d’une coproduction italo-canadienne, le film a clairement les allures d’un polar urbain américain. Exclusivement tourné au Canada, le cadre renvoie au cinéma nord-américain avec ses grosses bagnoles, ses gratte-ciels et cette impression que la métropole vous bouffe. Avec sa grosse course-poursuite au milieu du film (particulièrement gratuite) qui évoque bien sûr celle de Bullitt par sa longueur (près de dix minutes) et son environnement urbain, son plan final emprunté à la saga de L’Inspecteur Harry, son score aux allures jazzy, Spécial magnum se rapproche davantage du modèle du polar urbain américain que du poliziottesco dont il est l’incarnation italienne.
C’est assurément une vraie curiosité de voir le cinéma italien se frotter de plus près encore à son modèle avec ce film qui reprend, malgré tout, certains éléments propres au poliziottesco avec quelques envolées de violence plus lyriques que ne le propose le cinéma américain. La présence de Stuart Whitman et de Martin Landau, qui ne sont pas des habitués du cinéma italien, contrairement à John Saxon, renforce cette impression. Curieusement, c’est davantage le giallo qui évoque ici le cinéma italien. Avec son ambiance parfois anxiogène, ses crimes à l’arme blanche, son tueur dont l’identité reste inconnue jusqu’au dénouement final, son goût pour les objets (ici un collier qui sème la mort), sa vision d’une image répétitive qui évoque un secret qui, on le comprend, est une des clefs du film, évoque totalement les ressorts narratifs du giallo.
C’est ce cocktail étrange qui fait aussi bien la réussite que la limite du film. Aussi original que bancal, l’ensemble manque d’un script plus haletant mais fonctionne grâce à son rythme ultra nerveux qui ne verse quasiment jamais dans l’outrance où tombe parfois le poliziottesco. Une curiosité donc agréable même si, comme à son habitude, Alberto de Martino pompe outrageusement sur tout ce qui fonctionne au box-office.