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Les Wachowski ont toujours vu le cinéma comme un terrain d’expérimentation pour parler de leur expérience personnelle, et mis à part la trilogie Matrix, n’ont jamais vraiment réussi à embarquer la majorité de leurs spectateurs avec elles. Cloud Atlas est passé inaperçu malgré sa narration fragmentée dans le temps tout à fait inédite, Jupiter Ascending s’est puissamment vautré alors qu’il se pare d’une imagerie unique et d’une réelle sincérité, tandis que la série Sense8 aura été annulé avant même sa conclusion alors qu’elle abordait via la SF un rapport aux corps et à l’émotion jusqu’alors inexploré, à peine effleuré par la scène de rave troglodyte portée par Morpheus. Alors quand les deux cinéastes décident en 2006 de rejoindre Joel Silver pour porter à l’écran l’adaptation d’un manga de courses futuristes, elles y voient l’occasion de rester fidèle à leur pâte tout en ayant l’opportunité de créer une œuvre qui soit visible par leurs neveux et nièces. Naquit ainsi Speed Racer, objet mal aimé et pourtant avant-gardiste à souhait.
Lana et Lili n’y vont pas avec le dos de la cuillères et proposent un film complètement fou, un bonbon acidulé et fluo débordant d’une inventivité infantile et jouissive. Un énorme jouet pop qui dépote qui éclate les conventions cinématographiques pour proposer pêle-mêle des transitions insensées, du cartoon gribouillé et de l’animation japonaise en live action avec tout ce que ça inclut d’effets over the top. Speed Racer est l’heureux enfant de Wipeout et des Fous du Volant, l’hybridation des Xtreme Games et du Nascar, où les bagnoles reflétant la personnalité de leurs conducteurs se livrent à des joutes de Car Fu (terme officiel de la production) en traversant des pistes de Mario Kart où la gravité n’a pas d’emprise. Le rendu et la frénésie sont over the top, frôlant souvent l’overdose, mais toujours avec un malin plaisir. Les équipes des effets spéciaux ont eu recours à un système de bulles photos permettant de capturer l’intégralité d’un décor et d’y rajouter des plans composites donnant un cachet anime on ne peut plus singulier. Mais si je ne taris pas de superlatifs quant à la richesse esthétique du bazar, je tempère toutefois mon propos en admettant que c’est parfois trop, indigeste, et que tout n’est pas du meilleur goût. Mais comment cracher dans la soupe devant une proposition aussi unique.
Qui plus est lorsque les enjeux narratifs, simplistes au demeurant puisque s’adressant également aux plus jeunes, sont d’une sincérité évidente lorsque l’on connaît le parcours personnel des deux sœurs. La détermination et l’honnêteté envers soi-même sont au cœur du récit et s'accordent parfaitement à cet univers libre. On retrouve une naïveté et des thématiques de cellule familiale en lutte contre les méga corporations qui ne sont pas sans rappeler le cinéma de Frank Capra. Les Wacho contre la machine, ça a toujours été le fil rouge de leur carrière, jusqu’au récent pied de nez en forme de seppuku qu’était The Matrix Resurrections.
Alors oui, Speed Racer est imparfait et déconseillé aux épileptiques, mais bordel qu’il est inventif, qu’il est audacieux! Un plantage monumental de plus pour le duo, qui a malgré tout réussi à réunir des fonds pour les projets qui suivirent. Mais jusqu’à quel point peuvent-elles tirer sur la corde? Mon seul espoir est que celle-ci soit encore longue.