37/100 sur Metacritic, 1,6/4 sur Allociné, et un box-office qui n'a pas suffi a rembourser le budget du film. C'est ce que l'on appelle "ne pas trouver son public". Speed Racer (2008) allie une forme trop confuse pour les enfants (à qui il est majoritairement destiné) et un fond trop premier degré pour les adultes. Il n'en est pas moins un trip filmique non identifié exceptionnel, ridiculisé à tort.
La trame est toute mince : il s'agit, à travers un film de course-automobile, de faire gagner la famille, l'artisanat et la passion sur la cupidité des grands méchants vendeurs de soupe. Le tout sur des dialogues à faire passer Plus Belle la Vie pour du Shakespeare.
Pourquoi c'est très fort : dans la lignée du monde virtuel des Matrix, Speed Racer a l'ambition folle de de se délester des contraintes physiques du cinéma (l'encombrement de l'objet-caméra), jusqu'à offrir parfois une image parfaitement fondue entre cinéma live et dessin animé - voir la courte séquence dans le désert. Ici les distances physiques sont abolies, un cadre offre 3 ou 4 découpages différents, les mouvements suivent des trajectoires insensées, les coupes du montage (notamment champ / contrechamp) s'effacent, la narration en sort grandie, exactement là où Avatar a échoué. Ce n'est pas innocent si, au détour de certains plans, les frères renvoient à la pré-histoire du cinéma, et à ses premiers dispositifs (flip-books, zootrope). Ils marquent à eux seuls le langage filmique d'une pierre blanche, en mesurant et enfonçant le chemin parcouru.
Comme si des cinéastes sous acide dans une bulle-bonbon saturée de couleurs psychédéliques jouaient à Diabolo et Satanas avec des Majorettes, sur un circuit électrique. Speed Racer est un formidable film d'action qui s'apprécie d'autant mieux qu'on a goûté aux hallucinogènes, qu'on est familier des manettes de Playstation ou Xbox, mais pas seulement. Il s'adresse avant tout aux curieux, réfractaires ni au cinéma expérimental ni à l'action frénétique.
Le cinéma d'auteur nous offre régulièrement des formes originales. La chose est plus rare dans les blockbusters grand public. A ce titre, sur un travail initié par David Fincher (la caméra qui traverse l'anse d'une cafetière dans Panic room) Speed Racer est à ranger du côté des grands films pétés de thunes mais malades, comme Blueberry en son temps, et ses 37 millions d'euros au service d'un duel de western complètement barré.