Spermula
4.2
Spermula

Film de Charles Matton (1976)

'Certaines femmes-vampires ne se nourrissent pas de sang'

'Spermula' n'est ni la danse de l'été « Viens donc par là, dansons la Spermula ! » ni un médicament gériatrique « Bonjour madame la pharmacienne, je voudrais du... euh, je ne sais plus comment ça s'appelle, là, mais ce n'est pas pour moi, vous savez, c'est pour mon beau-père... », ni même un super héros trash « Is it a cockroach ? Is it a flasher ? Is it a geyser ? No, it's Spermula ! », et non, c'est bien la contraction de 'Sperme' et de 'Dracula'. Il rejoint ainsi des titres aussi divers que 'Blacula' (William Crain, 1972), film américain de pure black-Exploitation, ou 'Bunnicula, le petit lapin vampire', dessin animé assez mignon. Ici on est en plein dans l'érotisme chic et le porno soft des années 70, qui verra aussi la sortie des 'Prédateurs' (Tony Scott, 1983 quand même) avec Deneuve et Bowie, avec un titre sensiblement plus fin – Spermula, ça fait quand même tâche. Pourquoi pas 'Le monstre du Docteur Foutrenstein', aussi ?

Le film commence sur la planète (dimension ? pays ?) d'origine des Spermula. On fait très vite la connaissance de la Voix Off qui va nous prendre la tête pendant tout le reste du film. Comme le savaient bien Ed Wood et les autres réalisateurs de nanars, la voix off est un bon moyen de changer l'intrigue du film au montage – c'est probablement le cas ici, comme on va le voir Spermula n'a ni queue, ni tête. En tout cas, pas de tête.
On fait donc la connaissance des Spermula : ce sont des jolies filles très mannequins, échappées des vitrines de salons de coiffure du début des années 80, qui tournent en rond dans un décor de luxe seventies. Leurs activités restent mystérieuses, certaines poursuivent des hommes sur la pelouse, d'autres font des Exercices d'Impudeur qui demandent beaucoup de doigté, hop le film annonce la couleur: on est là pour se rincer l'oeil de érotisme-chic-blingbling. Voix-Off nous explique qu'elles vont monter une expédition pour libérer des humains. En théorie, les humains, c'est nous. En pratique, c'est une famille de bourgeoisie de province mi-Chabrol, mi-Ewing, avec le couple 'je t'aime, je te hais, je sais pas trop' (JR/Sue Ellen) et 3 filles en fleur, le jardinier, la veuve (Ginette Leclerc !) et son fils, l'évêque du coin et sa bonne, la danseuse black du cabaret du coin et son nain, et puis le peintre amoureux d'une des filles que convoite le jardinier qui couche avec une autre sœur qui se refuse à son fiancé qui est l'adjoint du maire qui trempe dans des affaires louches avec JR. Enfin, je crois.

Donc les Spermula envoient une équipe d'intervention, sorte de croisement entre Règlement de compte à OK Corral et Elle Magazine (imaginez une demi-douzaine de Drôles de Dames version 80 en tailleur Channel qui avancent en groupe vers la camera). Et là : respect ! Car l'équipe est dirigée par Ruth, qui est le principal intérêt du film. En effet, outre quelques rôles dans les années 70, Dayle Haddon est avant tout une femme vraiment belle et avec de la classe, du charme et des yeux magnifiques, un vernis BCBG avec un fond brûlant, une vraie bombe millésimée 75 à la Sylvia Krystel, rien à voir avec les pétasses de plage siliconées et les terminatrices glaciales que l'on a voulu ériger en canon de la beauté dans les décennies suivantes.
Sous sa direction comme il se doit ferme et tendre à la fois, l'équipe de choc et de charme des Spermula doit rejoindre notre monde. Pour cela, elles traversent des ténèbres mystérieuses dans une maquette d'hydravion géant. Ensuite, elles s'installent dans une grande maison décorée grand luxe seventies où elles reçoivent les gens du coin pour les libérer. Je n'ai pas très bien compris en quoi consiste exactement cette libération, en tout cas ça signifie en général pour les hommes de passer à la casserole et pour les femmes de s'évanouir en criant. Il y aurait bien une explication simple mais... noooooon ca ne peut pas être ca.

D'ailleurs, essayer de comprendre ce film est un effort voué à l'echec. Au milieu de grandes longueurs (le film fait quand même 2H), on a droit à quelques scènes remarquables sans toujours de lien logique :
- Sue Ellen, radieuse en robe vaporeuse, court au ralenti dans la prairie, portant dans ses bras l'avion télécommandé de JR. Cette image reviendra en flash-back à divers moments du film, comme symbole d'un bonheur disparu... à moins que ça ne symbolique le malheur de la pauvre Sue Ellen, méprisée et rabaissée continuellement par JR... en fait, je crois que c'est surtout pour faire joli (dans ce cas, epic fail).

- L'évêque se fait 'libérer' par les Spermula aquatiques dans la piscine – à cette occasion on remarque que sous sa grande robe rouge il a un slip kangourou du même rouge. Après, le gentil jeune curé voit par le trou de la serrure son évêque prendre la bonne en levrette dans le grenier de l'église : il est tout triste.

- Le peintre attend la visite de sa copine dans son atelier. Mais au lieu de cette dernière, c'est une autre femme qui débarque. Dialogue (les propos tenus n'engagent que le dialoguiste du film... s'il y en a un) :
- 'Qui êtes-vous ? Que faites vous ici ?'
- (elle plisse les yeux) 'Comme vous attendiez......' (elle s'assoit dans le fauteuil) 'Et qu'elle n'est pas......' (elle croise et décroise les jambes) 'J'ai pensé que...... '
- 'Salope !'

Tout en restant dans le porno soft (on entrevoit quand même une ou deux pénétrations), il y a quelques scènes franchement limite, comme celle ou le nain (Piéral, lui-même, le pote à la Marquise Angélique), s'allonge nu dans un berceau avant de s'y faire tripoter par la danseuse black, ou encore celle ou Ginette Leclerc, veuve éplorée, dessine au crayon des moustaches à son fils pour qu'il ressemble à son père avant de coucher avec lui.

Le film se poursuit ainsi sans intrigue compréhensible. A la fin il y a bien sûr une grande orgie, JR devient fou quand il voit Sue Ellen en compagnie de deux jeunes éphèbes, le contorsionniste parvient sous les ovations de la foule à accomplir ce dont rêvent les héros de Clerks – et sans se briser le cou. Pour une raison compliquée le peintre parvient à se faire Ruth (lucky guy) sous le regard tendre de sa copine assise au bord du lit, pendant que l'espion des Spermula (qui ont infiltré les autorités) fait un vol plané digne de 'Shérif fais-moi peur' au volant de sa coccinelle, puis s'écrase dans la piscine vide. Sa femme (il s'est marié le jour même), esseulée pour sa nuit de noces, s'enfile par dépit le pied du lit tandis que le vent soulève les rideaux. Après ce sommet poétique/esthétique/érotique (sans vouloir être sarcastique, ça reste franchement théorique et n'est, au mieux, que comique), les Spermula repartent, au ralenti et à reculons, pendant que la Voix Off donne des explications incompréhensibles.


Un petit tour sur le Web montre que ce film est finalement assez connu. D'autres versions du film existent, avec un scénario différent : On a toujours les Spermula, mais elles viennent cette fois carrément d'une autre Galaxie et veulent conquérir la Terre en avalant le sperme de tous les hommes, empêchant la reproduction de l'espèce. Il fallait y penser, c'est plus agréable que l'apocalypse nucléaire. Mais l'une des Spermula est par erreur un homme (il s'agit en VF de l'adjoint du maire), qui n'a qu'un sexe de 1cm.
Il semble que cette version (destinée à la vidéo et également sortie à l'étranger doublée en anglais) soit plus loufoque que la version originale, comme en témoigne la jaquette, qui me fournit ma conclusion :

'Certaines femmes-vampires ne se nourrissent pas de sang'
Khaali
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le 20 mars 2011

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Khaali

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