Spider par Cronenberg.
Personnage particulier vu par un réalisateur particulier.
Peut-il en être autrement?
Je ne cache pas qu'il m'est difficile de parler de ce film, il est très difficile de parler d'une oeuvre portant sur ce genre de sujet.
Je commencerai par me centrer sur le cinéma de Cronenberg en lui-même, car c'était définitivement l'Homme parfait pour mettre en scène une telle histoire et un tel personnage. Son oeuvre a traversé plusieurs routes: par le passé emplie de merveilles qui permettent le qualificatif qui pour moi est un argument à lui tout seul de "body horror film", elle est désormais imprégnée par la psychologie. Mais ce qu'il faut retenir surtout, c'est que tout chez Cronenberg est une image qui a un sens derrière. Ces créatures mutées et autres représentations étranges ne faisaient que refléter une part de l'être humain, des réflexions vis à vis de ce qui est réel et ne l'est pas, de la folie, etc. Des fois, elles étaient même l'image d'une émotion, les enfants de Chromosome 3 étaient l'image de la haine de la mère, cette haine étant même la source de leur existence, c'est ainsi qu'ils sont nés. Ce qui a toujours intéressé Cronenberg, c'est ce qu'il y a à l'intérieur de l'être humain dans toute ses facettes, son oeuvre teintée de psychanalyse en fait donc un des auteurs les plus intéressants thématiquement et le réalisateur idéal pour un tel sujet.
Et donc, le Spider dont il est question... Il est très clair qu'il ne pourra convaincre tous le monde, c'est un film très particulier. Tout d'abord, formellement, malgré d'attrayantes idées (ce fil d'araignée pour simple exemple), ce n'est pas le meilleur Cronenberg, ça manque quelque peu de subtilité je dirais, d'inspiration, et donc malgré une démarche intéressante le film n'est pas le plus passionnant dans l'oeuvre du réalisateur. Cependant, selon moi, ça reste du travail tout à fait correcte.
Mais c'est tout de même dommage, car ce personnage et la vision qu'en apporte le metteur en scène a quand même un très grand potentiel sur papier. Surtout qu'on a droit à une très bonne prestation de Ralph Fiennes qui est pleinement dans la peau de son personnage. Ces yeux fatigués, perdus, confus, cette manière très lente d'avancer, réagir, ce regard sombre, tourmenté, ce sont des aspects qui me plaisent vraiment.
Et j'adore tout particulièrement voir un personnage complètement obsédé, travaillé par quelque-chose, ne pensant plus qu'à ça à un tel point que la fatigue ne l'empêche même pas d'y penser et repenser sans arrêt pour tenter de tout reconstruire et percer le mystère, trouver la vérité. Au final, Spider, c'est un personnage qui a tellement de volonté qu'il en vient à surpasser sa condition, et quelle meilleur raison pour l'aimer malgré tout?
D'ailleurs, son obsession est aussi marquée par ce fil d'araignée qu'il construit, comme pour se dire qu'il a encore un but pour lequel vivre, c'est un espèce de symbole. Il contribue aussi à créer un aspect "génie" à Spider que la schizophrénie n'empêche pas de faire preuve d'un talent remarquable quand il s'agit de créer.
D'ailleurs il est intéressant de noter que cette obsession, comme toute celles qui le traversent, a pour départ un événement qui l'a marqué (ici une discussion avec sa mère), ce qui montre que tout part de sa très grande sensibilité qui fait que des choses pouvant paraître comme anodines finissent par avoir des conséquences disproportionnées. (On peut supposer que la scène dans laquelle la prostituée lui montre son sein pour le choquer alors qu'il est gosse s'est réellement passée et est la cause de ce traumatisme qui l'a conduit à s'imaginer des choses qui ne sont pas vraies, et donc à devenir schizophrène).
Spider, à défaut d'être une grande oeuvre de son auteur est tout de même un film qui reste convainquant, qui est remplie de bonnes idées, et dont le scénario va clairement en sa faveur.